[Théâtre] Une amitié minée par la guerre

Le Centaure accueille, ce soir et dimanche, Champ de mines, une pièce-conférence sur la guerre en ex-Yougoslavie, imaginée pour un public lycéen.

Jasna est serbe chrétienne orthodoxe, Emina, elle, est bosniaque musulmane. Les deux sont les meilleures amies du monde dans cette Yougoslavie post-Tito. Mais dans les années 90, la guerre éclate. Les différentes populations, surtout en Bosnie-Herzégovine, se font désormais face. S’entretuent.

Les deux amies sont alors séparées : l’une part étudier à l’université à Sarajevo, l’autre reste dans leur petite ville à quelque 70 kilomètres de là. Chacune va se retrouver bloquée où elle est par le conflit. Elles ne se verront pas pendant trois ans. Les hasards de la vie feront que les deux jeunes femmes finiront par fuir leur pays et se retrouver en Allemagne. Après la guerre des bombes arrive la guerre des mots. Les deux n’arrivent plus à se retrouver dans leurs discours respectifs. La guerre, les exactions des deux camps ont eu raison de leur amitié. Les deux doivent désormais se limiter à échanger des banalités. «Leur amitié se retrouve minée», note la comédienne Sonja Neumann, qui interprète Jasna dans Champ de mines, pièce à découvrir ce soir et dimanche au théâtre du Centaure dans la capitale.

La pièce, écrite par la dramaturge allemande Pamela Dürr, est une commande sur le thème «religion et tolérance» dans le cadre du projet «Young Europe» de la Convention théâtrale européenne. Traduite en français, elle a été présentée, dans le cadre d’une lecture lors de «Textes sans frontière», un projet transfrontalier, entre autres de la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette et du théâtre du Centaure. Après la mise en espace, voici donc la mise en scène.

Le Centaure, puis une tournée dans les lycées

«Ça parle d’un conflit qui s’est déroulé très près de chez nous, mais dont plus personne ne parle aujourd’hui, surtout pas les jeunes, qui souvent ne sont même plus au courant de cette histoire», explique la comédienne quand on l’interroge sur l’intérêt de présenter cette pièce aujourd’hui. Et puis, ajoute-t-elle, «parce que c’est un conflit interethnique et que, dans le contexte d’aujourd’hui, avec tous les problèmes qu’on rencontre : crise des réfugiés, conflits de religions, manque de tolérance envers l’autre… ça rappelle à quelle vitesse peut éclater une guerre si on ne prend pas garde.» Et de poursuivre : «Les gens étaient souvent voisins, amis, amants… et presque du jour au lendemain, ça a explosé et les gens se sont entre-tués!»

Si toute cette triste histoire est rappelée dans la pièce, celle-ci ce concentre néanmoins sur l’amitié entre les deux femmes à travers les témoignages croisés des deux protagonistes. En d’autres termes, la grande et la petite histoires vont s’entrechoquer dans une sorte de pièce-conférence pensée dès le départ par l’auteur pour être présentée dans des salles de classe.

D’ailleurs, si Sonja Neumann et Pascale Noé Adam vont d’abord monter sur la scène du Centaure avec ce projet, elles comptent bien, ensuite, faire une belle tournée dans les lycées du Luxembourg, mais aussi de la Grande Région. La pièce – qui sera proposée aussi bien en français, comme ce sera le cas au théâtre, que dans sa version originale allemande – sera exactement la même en classe que sur scène. Un projet avec très peu de décors, à peine quelques cartes géographiques pour replacer le sujet. «Au théâtre, on disposera juste de quelques lumières en plus», souligne Sonja Neumann.

Bref, une pièce qui s’annonce nécessaire, sur une guerre d’hier pour éviter, autant que possible, les guerres de demain.

Pablo Chimienti

Ce soir à 20 h. Dimanche à 18 h 30. www.theatrecentaure.lu