Le théâtre des Casemates propose, ce soir, Liberté(s) une lecture scénique à quatre voix sur les libertés artistique, de la presse et d’expression.
Marc Limpach, Eugénie Anselin, Sophie Langevin et Claude Frisoni seront sur scène, ce jeudi, pour une lecture-hommage, un an, jour pour jour, après l’attentat contre Charlie Hebdo.
Tuerie à Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Plus encore qu’un journal satirique, plus que des dessinateurs de presse, ou des journalistes, c’est clairement la liberté d’expression qui est attaquée. Le même soir, une lecture sur la Première Guerre mondiale dans la littérature luxembourgeoise est prévue au théâtre des Casemates de Luxembourg. Impossible de faire comme si rien ne s’était passé. Impossible aussi d’intégrer le sujet dans la lecture du soir. Marc Limpach, le dramaturge maison, et Lex Weyer, le président du conseil d’administration, ont alors une idée : la lecture est maintenue telle quelle, mais les murs du théâtre de la rue du Puits à Bonnevoie seront couverts de unes de Charlie.
De là naît l’idée, l’envie, le besoin, d’organiser une lecture sur la liberté, les libertés! Artistiques, de la presse, d’expression. D’où ce titre, Liberté(s), au pluriel, et ce sous-titre, en allemand : Mehr als nur Gedankenfreiheit! (au-delà de la simple liberté de pensée!). «Avec ce titre, on veut dire qu’il faut défendre cette liberté, ces libertés, de manière active», explique Marc Limpach, à l’origine de ce projet des Casemates.
Il sera présenté ce soir. Une date évidemment pas choisie au hasard. Un an pile après l’attentat. «On aurait pu essayer d’intercaler cette soirée dans notre saison l’an dernier, mais on voulait faire ça à la date anniversaire, reprend le dramaturge. Pendant plusieurs mois, à la suite de cet attentat, le thème était très présent dans la presse. Tout le monde en parlait. Puis la discussion de principe a un peu disparu. Pour moi, le théâtre est un lieu de réflexion esthétique. Et pour ça, on a besoin du temps de la réflexion pour ne pas être que dans le vif, dans l’émotion, mais au contraire pour proposer une certaine profondeur.»
L’année qui a passé a permis de partir à la recherche de textes anciens ou contemporains qui traitent de cette liberté, de ces libertés. Et ça part de Socrate, passe par Ovide, fait un bond pour atteindre Spinoza, puis les auteurs des Lumières, Voltaire, Diderot, Kant, ceux de la Révolution française, Olympe de Gouges, Schiller, ceux du XIXe, Heine, Hugo, ou encore ceux du XXe, Kurt Tucholsky, pour finir par les contemporains, Salman Rushdie, Anna Politkovskaïa, Ai Weiwei, Raif Badawi ou encore Charb.
«Rien n’est gagné»
À travers ces textes, les quatre comédiens qui liront sur scène, en français ou en allemand, résumeront, «en une heure, une heure et quart, les batailles les plus importantes qui ont été menées au nom de la liberté d’expression depuis quelque 2 500 ans, ainsi que les différents arguments donnés aux différentes époques». Marc Limpach poursuit : «Ainsi, on va voir où on en est aujourd’hui, mais aussi comprendre toutes les valeurs qu’il y a derrière cette situation. Car on dit souvent, dans nos pays : c’est comme ça, c’est normal, ces libertés sont gagnées! Mais rien n’est gagné du tout!»
Le dramaturge des Casemates sera également sur scène, accompagné par Eugénie Anselin, Sophie Langevin et Claude Frisoni. Des comédiens qui auront la responsabilité de «relever les arguments et de clarifier les choses».
Clarifier, oui. Car si pas grand monde ne prône aujourd’hui à Luxembourg un retour à la censure du XIXe siècle, le débat reste ouvert et la liberté d’expression, «qui est notre oxygène à tous», d’après Marc Limpach, quelque chose qu’il faut constamment revendiquer. «Une liberté qu’on n’utilise pas, meurt», note Marc Limpach. Reste qu’il est toujours difficile de trouver la ligne. «C’est au pouvoir démocratiquement légitimé de déterminer les lois et ses limites. Évidemment, personne ne veut d’une société où on peut diffamer ou insulter gratuitement», ajoute-t-il. Que répondre alors au questionnement de Tucholsky qui, dans les années 30, se demandait s’il fallait, ou non, accorder la liberté d’expression à Hitler? Dur, dur!
Au long de la soirée, il sera également question de l’Index (Index librorum prohibitorum, pour être exact), cette liste des ouvrages que les bons catholiques n’étaient pas autorisés à lire, mais aussi d’articles sur la censure, au Luxembourg, d’un certain nombre de films.
La soirée affiche complet. Et si le dramaturge est bien conscient qu’il risque surtout de prêcher des convaincus, il demeure malgré tout persuadé de l’importance de ces lectures. «Parfois, c’est important, dans la réciprocité des relations humaines, de se donner simplement un peu de chaleur et de se retrouver autour de valeurs communes.» Quoi qu’il en soit, ce sera une pierre supplémentaire à l’édifice de la liberté d’expression. Et il a toute son importance. Car, comme l’écrivait Victor Hugo, «Sauvons la liberté! La liberté sauve le reste».
Pablo Chimienti
Théâtre des Casemates – Luxembourg
Tél. : 291 281, courriel : ticket@kasemattentheater.lu