Plumes, talons hauts, paillettes : la comédie musicale La Cage aux folles investit le théâtre du Châtelet à Paris, avec Laurent Lafitte dans le rôle culte de Zaza pour une œuvre toujours actuelle.
Quarante ans après sa création à Broadway, la version musicale de La Cage aux folles, traduite et mise en scène par le directeur du théâtre du Châtelet, Olivier Py, est à l’affiche jusqu’au 10 janvier. Avant qu’elle devienne un «musical» américain, c’est à Jean Poiret que l’on doit la fameuse pièce de boulevard originelle, en 1976, qui met en scène l’histoire de Georges et Albin, couple d’hommes artistes de cabaret à Saint-Tropez, dont le second se travestit en Zaza dans son numéro. Ils ont un fils, Jean-Michel, qui veut se marier avec la fille d’un député d’extrême droite homophobe.
Cette pièce avant-gardiste – en France, le «délit d’homosexualité» est dépénalisé en 1982 – est suivie deux ans plus tard par son adaptation en long métrage par Édouard Molinaro. Michel Serrault reprend le rôle d’Albin/Zaza qu’il incarnait déjà sur les planches, tandis que Jean Poiret laisse sa place dans le rôle de Georges à l’acteur italien Ugo Tognazzi. Le film sera un immense succès commercial et engendrera deux suites.
Aux États-Unis, deux défenseurs de la cause gay, Jerry Herman, compositeur de la comédie musicale Hello, Dolly!, et le librettiste Harvey Fierstein, se saisissent de la pièce de Poiret, créant en 1983 une adaptation musicale qui garde même son titre français. Elle rafle de nombreux prix, devient le porte-étendard des communautés LGBT+ et s’exporte dans le monde… Mais elle reste peu connue dans l’Hexagone, où une version française a été donnée au théâtre du Mogador en 1999, mais sans gros moyens. Tandis que de l’autre côté de l’Atlantique, le remake au cinéma de La Cage aux folles, intitulé The Birdcage (Mike Nichols, 1996), fait un carton commercial et critique : Nathan Lane y tient le rôle d’Albert, qui devient Starina sur la scène du cabaret de son compagnon, joué par Robin Williams.
Rideaux, miroirs et plumes d’autruche
Au Châtelet, la production d’Olivier Py reste fidèle au «musical» et plonge le spectateur au cœur d’une revue de cabaret. Zaza et ses douze «cagelles» évoluent sur un grand escalier, sur fond de rideaux brillants et de miroirs, tandis qu’un plateau scénique tournant permet de voir les loges ou l’intérieur de Georges et Albin. Selon le théâtre, cette création utilise «plus de 155 costumes, 370 mètres carrés de tissu à paillettes, 195 mètres de strass, 3 986 plumes d’autruche».
En 2025, cette comédie musicale dirigée à la musique par Christophe Grapperon et Stéphane Petitjean «est on ne peut plus actuelle, surtout dans l’ère « trumpienne », au moment où l’extrême droite, la droite réactionnaire, utilisent la lutte contre les droits LGBT dans leurs arguments politiques», argumente Olivier Py. C’est avant tout «un hymne à la joie» qui dit «la vie est courte, vivez librement, aimez qui vous aimez, soyez qui vous êtes», présente-t-il, assurant que le théâtre «est là pour émouvoir, c’est la meilleure réponse qu’on puisse donner aux discours de haine».
La mise en scène comprend des clins d’œil à l’actualité récente, à l’instar de ce moment où des comédiens interprétant des membres de la Manif pour tous raillent leur slogan «Un papa, une maman». Le tube I Am What I Am a aussi été traduit par J’ai le droit d’être moi, pour garder l’idée «d’appel à la tolérance», dit Olivier Py.
«C’est plus dur que jouer Hamlet!»
L’ancien pensionnaire de la Comédie-Française et acteur de cinéma Laurent Lafitte a dû, pour le rôle de Zaza Napoli, apprendre à jouer en chantant, marchant, dansant sur des talons hauts. La salle est conquise quand, au milieu d’un rang du public, costumé, aigrette sur la tête, battant des (faux) cils, il demande «Y a des hétéros dans la salle? Ça fait quoi d’être minoritaires?» «La difficulté, pour Laurent comme pour moi, c’est que la partition est large», raconte Damien Bigourdan, qui interprète Georges. «Physiquement et vocalement.» Mais jouer avec lui, «c’est le pied, on rigole beaucoup».
Pour Olivier Py, «son rôle est énorme, il y a toute la palette de l’acteur, avec des scènes presque de stand-up. C’est plus dur que jouer Hamlet.»
Jusqu’au 10 janvier. Théâtre du Châtelet – Paris.