Le sextette eschois The Disliked sera, demain soir, en live au e-Lake festival d’Echternach. L’occasion de parler avec lui scène et musique, mais aussi de revenir sur son dernier album, Reggae Rescue.
Voilà plus de 15 ans que The Disliked court les scènes et les salles de concert du Luxembourg et d’ailleurs avec sa musique. Si Reggae Rescue, sorti le 31 mai dernier, est déjà son cinquième album, voilà dix ans que le groupe n’avait plus joué au e-Lake festival. Rencontre avec Raphaël Dumont, le chanteur, et Laurent Biver, le guitariste, pour parler de leur dernier opus, de l’évolution du groupe mais aussi de leur relation avec l’e-Lake.
Vous serez demain sur scène à l’e-Lake. Que représente ce festival pour vous ?
Raphaël Dumont : C’est un festival que je n’ai vécu que très rarement en tant que spectateur. Par contre, on y a joué. Une seule fois. Il y a dix ans. C’était très grand pour nous. Cette année-là, c’était Polarkreis 18 qui était la tête d’affiche. Je me rappelle qu’il jouait Allein Allein. On l’avait trouvé super nul et on s’était un peu moqués de lui… (Il rit) On avait demandé au public s’il aimait ou pas et demandé à ceux qui les trouvaient bons de se mettre à gauche et les autres à droite (il rit)…
Laurent Biver : Je pense que c’est pour ça qu’on n’y a plus joué depuis dix ans (il rit) !
R.D. : Je crois que l’organisateur était un peu énervé. Mais bon, là ils sont revenus vers nous, on les a rencontrés plusieurs fois et ils sont super sympas avec nous. Ils nous ont même organisé quelques dates.
Vous aurez non seulement l’honneur de la scène principale, mais aussi celui de clore la première soirée de cette 24e édition. Passer de 2h10 à 3h, c’est bien ou c’est compliqué ?
L.V. : On a vécu ça il y a une semaine au Rock un der Atert. On devait passer à 1h, mais ça a pris du retard, du coup on s’est produits à 2h15. Comme ce n’était pas prévu, on s’est fait surprendre et on était crevés. Là, c’est prévu…
R.D. : Du coup, on s’est pris un hôtel avec wellness sur Echternach, où on va passer l’après-midi pour se reposer et être bien frais à 2h.
Les têtes d’affiche seront passées, vous pensez que le public restera pour vous ?
L.V. : On verra bien. Chaque concert, de toute façon, est une surprise. On n’attend rien en particulier, comme ça on n’est pas déçus. Nous, en tout cas, on sera là et on donnera notre maximum. Si le public est là, tout mieux. Et ceux qui seront déjà partis, tant pis pour eux.
Vous allez monter sur scène après Brett, Motrip, Bosse et Querbeat. Comment trouvez-vous la programmation ?
L.V. : Franchement. Aucune idée.
R.D.: Nous, on va aller sur le site vers 22h ou 23h. On y va pour faire notre show. On n’a pas toujours le loisir de s’intéresser à tout le line-up des festivals. Après, si t’es sur place et qu’il y a un truc qui sonne bien, tu vas voir, sinon, tu restes en backstage. D’autant que celui de l’e-Lake est très bien.
En tout cas, l’e-Lake propose toujours une programmation très germanophone. Vous, vous chantez majoritairement en anglais, pour le reste en français. Ça ne va pas faire bizarre ?
R.D. : Non. De toute façon, on joue toujours avec les langues. Lors de nos concerts, on parle luxembourgeois, allemand, français, anglais. On ne se met pas de barrière.
L.V. : Les textes, on les écrit dans la langue dans laquelle on arrive à exprimer le mieux ce qu’on veut dire.
R.D. : Je n’ai jamais vu la langue comme une barrière puisque la musique ne joue pas que sur les mots.
Vous avez commencé en tant que groupe punk, vous êtes passés par le ska, et là, votre album s’appelle Reggae Rescue. Racontez-nous cette évolution…
L.V.: Je vois ça comme une évolution logique. Au départ, on était jeunes, on avait une guitare, une batterie, des textes pas très matures mais très accusateurs… On est allés naturellement vers le punk.
R.D.: Depuis, on fait des choses plus tranquilles. C’est logique aussi par rapport à ce qu’on vit. Mais là encore, on ne se met pas dans une case ni dans un style. Le prochain album sera peut-être hardcore ou hip-hop. Qui sait ?
Pourquoi titrer l’album Reggae Rescue, alors ?
R.D.: Parce que le reggae sert en quelque sorte de fil rouge. Mais l’album n’est pas reggae. C’est ça qui est marrant.
L.V.: Et aussi parce qu’on a écouté beaucoup de reggae ces cinq dernières années. Et que ça nous a « rescued », nous !
Vous parlez de « choses plus tranquilles », mais cela reste très dansant…
R.D.: Si on compare les chansons actuelles avec celles d’il y a 15 ans, c’est plus tranquille, plus posé, plus mélodieux aussi. Les textes sont plus réfléchis et les paroles plus mises en avant. Mais oui, il y a des chansons comme Atlantic Coast ou Shoeshine qui explosent bien quand même. Et les cuivres très présents donnent toujours une belle énergie.
Reggae Rescue garde quelques aspects de votre précédent album, Hôtel numéro 25…
L.V. : C’est clair. Sur scène, on reprend des chansons de Hôtel numéro 25, mais aussi My Parents Went to Eldorado and All I Got Was This Lousy Cadillac et on voit que ça se marie bien avec nos morceaux récents. Ce qui nous offre de belles possibilités pour offrir un vrai show en live.
Il y a quand même un aspect plus politique, non ? Est-ce que finalement c’est un retour aux sources punk, même si là, la contestation est plus posée ?
R.D. : Certainement. Là, on a la trentaine. On a donc eu le temps de traiter les informations qui nous arrivent du monde et d’en tirer quelques conclusions. Quand on voit à quel point le monde est pervers et corrompu, c’est notre rôle de musiciens d’en parler dans nos chansons. Sans prendre parti pour un camp politique ou un autre, sans chercher à donner de réponses toutes faites, mais en thématisant les choses pour essayer de faire réfléchir. L’impuissance des peuples par rapport aux puissants est quelque chose qui me touche beaucoup. Ils polluent, ils détruisent, sans se soucier de la souffrance qu’ils créent.
L.V. : Et après, ils rejettent la faute sur le peuple. C’est ça, le pire !
Que s’est-il passé depuis Hôtel numéro 25 pour qu’il y ait chez vous cette prise de conscience ?
L.V. : Quand on faisait du punk, on était contre, mais on ne savait pas trop contre quoi. On savait seulement que c’était juste d’être contre.
R.D. : On a mis trois ans à faire cet album, dont deux en grande partie consacrés aux textes. On voulait proposer des paroles auxquelles tout le monde pourrait s’identifier. On parle d’immigration, du sens de la vie… Pour Money, on a demandé à des enfants : « C’est quoi le bonheur pour vous ? »
Et comment votre public a réagi par rapport à cela ? Est-ce qu’il l’a remarqué d’ailleurs ?
R.D. : Pas encore. Je pense que nos auditeurs n’ont pas encore eu le temps de digérer les chansons. Pour l’instant, ils dansent sur nos rythmes. Je pense qu’ils en comprendront les subtilités un peu plus tard.
Entretien avec Pablo Chimienti