Accueil | Culture | [Album de la semaine] The Cool Greenhouse : rigolons avec le post-punk ! 

[Album de la semaine] The Cool Greenhouse : rigolons avec le post-punk ! 


L’album choisi cette semaine par Le Quotidien : Sod’s Toastie de The Cool Greenhouse, sorti le 11 novembre sur le label Melodic.

C’est un fait : depuis une bonne décennie, le post-punk, comme d’autres styles avant lui, a le vent en poupe. Une mode qui trouve un ancrage pour le moins sensible du côté de la Grande-Bretagne, où la crise sanitaire, mêlée à la bêtise du Brexit et à la valse de ses représentants, attise la colère. Elle est portée par toute une bande de groupes inventifs qui, à leur façon, crachent dans le micro et font saigner les guitares en mode cathartique. Si certains choisissent la voie militante (comme Shame ou Idles, pour ne citer qu’eux), d’autres préfèrent les élans poétiques (Fontaines D.C.) ou ceux de l’expérimentation (Squid, black midi).

Enfin, il y en a deux qui traînent derrière, sortes de sales gosses irrévérencieux et goguenards, qui préfèrent manier l’humour pince-sans-rire et s’accrochent aux blagues potaches comme d’autres le feraient avec une bouée de sauvetage : soit Yard Act (qui a partagé en début d’année son premier disque, The Overload) et donc The Cool Greenhouse, qui en est, lui, à son second. D’ailleurs, fin mai 2020, lors de la sortie du coup d’essai qui porte son nom, le quintette de Londres n’a pas reçu l’accueil qu’il méritait. Injuste, car son album était habilement ficelé et sans accroc. Mettons ça sur le compte d’une approche singulière. On vous laisse juger.

Car Tom Greenhouse et sa bande sont du genre à persister. Avec Sod’s Toastie, ils maintiennent leur formule, faite d’histoires courtes et de longues boucles sonores qui, malgré un aspect répétitif, évitent l’ennui. La chanson Musicians, qui ouvre les réjouissances, en est une belle illustration : dans le texte, on suit à la trace un chanteur qui cherche à monter un groupe pour sa prochaine tournée : «J’ai demandé à mon coiffeur s’il voulait jouer de la guitare / Mais il a juste rigolé». Une étrange déambulation qui, musicalement, s’accompagne d’un tas de bonnes idées, à l’instar de ce festival d’instruments inspirés de l’afrobeat (ou des Talking Heads).

C’est un disque hilarant par moments et, à d’autres, hilarant aussi…

Les huit autres morceaux qui suivent sont de la même trempe. Le groupe y poursuit ses observations décalées sur la déliquescence d’un monde, tout en étayant ses propos de traits d’esprit et d’anecdotes aux références lointaines. Mieux, comme les Pixies à leur époque, il s’intéresse ici aux extraterrestres, thème qui s’incruste régulièrement dans les paroles (notamment dans le succulent The UFOs ou dans The Neoprene Ravine avec The Velvet Underground en vedette). Le tout dans un «spoken word» traînant et désabusé, lui aussi en vogue (Yard Act, encore, mais également Dry Cleaning).

Un ton, un style et une attitude qui suscitent des comparaisons évidentes avec l’incontournable The Fall. Mais là où le surréalisme de Mark E. Smith était mélancolique, celui de Tom Greenhouse est amusant, voire absurde. Si, comme son nom le suggère, The Cool Greenhouse évite d’en mettre plein les oreilles, plus branché lo-fi que punk, en termes de créativité, la similitude est encore plus évidente. Malgré ses guitares discordantes, ses synthétiseurs et ses boucles entêtantes, le groupe affine son jeu, n’hésite pas à se tourner vers la mélodie, peaufine ses arrangements et offre quelques pauses «pop» bienvenues.

Avec une production aux petits oignons, Sod’s Toastie apparaît comme une collection de morceaux accrocheurs, contagieux et dotés d’un humour au pouvoir libérateur. Un disque «hilarant par moments et, à d’autres, hilarant aussi», précise la formation, facétieuse, sur Bandcamp. De quoi satisfaire Tom Greenhouse qui, dans la dernière chanson, tire un constat sans appel : «Je n’ai aucune endurance et aucune éthique de travail / Je participe à toutes les compétitions que je peux, mais je perds à chaque fois/ Je pense alors que je suis prêt pour une grande victoire». La voici !