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The Breadwinner, film d’animation made in Luxembourg, sort en salle mercredi


Le film a été nommé aux Oscars et primé aux Annie Awards, au festival d'Annecy, aux Canadian Screen Awards et samedi, aux Lëtzebuerger Filmpräis ! (Illustration : DR).

Le très attendu The Breadwinner, superbe film d’animation de Nora Twomey primé au Filmpräis, est sorti en salle mercredi. Il raconte la vie d’une fillette afghane sous le régime taliban.

Étonnant paradoxe que celui du milieu cinématographique luxembourgeois qui, tout en parlant de 2018 comme d’une «année noire», faute de rallonge budgétaire étatique pour faire tourner la machine, voit un certain nombre de ses (co)productions réussir comme jamais, aussi bien au box-office que dans les festivals. Gutland, Tel Aviv on Fire, Black 47, Angelo ou encore Sibel, sont en train de porter le savoir-faire grand-ducal en matière de cinéma de par le monde.
Il en va de même pour The Breadwinner. Le film raconte l’histoire d’une petite fille, Parvana, dans le Kaboul de la domination talibane. Lettrée (son père est professeur), elle est condamnée à la famine, tout comme sa grande sœur et sa mère, quand le père est envoyé en prison par la police politique. Pour subvenir aux besoins des siens, Parvana se coupe les cheveux, s’habille en garçon et part à la recherche de petits boulots. Un film aussi poignant que beau.
Le film d’animation, signé de la comédienne, animatrice, productrice et réalisatrice irlandaise Nora Twomey, est à 20 % luxembourgeois, si l’on regarde son financement. Sur un budget total de 8,5 millions, le Film Fund en a apporté 1,6. Mais, en ce qui concerne sa réalisation, près des deux tiers du film ont été réalisés au Studio 352 de Contern.

Un studio «unique en Europe»

«C’est, à ce jour, le film qui est le plus près de mon cœur», expliquait le producteur grand-ducal Stéphan Roelants, au moment du dernier LuxFilmFest, qui proposait The Breadwinner comme film d’ouverture. «Avec ce film, on a réussi à placer le curseur entre un sujet important, une réflexion essentielle et une poésie, à la fois dans l’écriture et dans le graphisme. L’équilibre est parfait», ajoutait-il alors.
Cet équilibre «parfait» lui a valu deux prix, samedi soir, lors de la soirée des Lëtzebuerger Filmpräis : celui du meilleur film d’animation en coproduction et celui de la meilleure contribution créative pour un film d’animation. «C’est fantastique de gagner ces prix, soulignait, à la sortie de la cérémonie, la réalisatrice, Nora Twomey, et de les remporter ici, au Luxembourg, où a été créée une grande partie du film et où nous avons reçu un soutien incroyable de la part du Film Fund et de Mélusine Productions.»

Nora Twomey, la réalisatrice du film, samedi au Luxembourg Filmpräiz (Photo : Herve Montaigu).

Nora Twomey, la réalisatrice du film, samedi au Luxembourg Filmpräiz (Photo : Herve Montaigu).

Elle ajoute : «Finalement, revenir au Luxembourg pour cette soirée m’a donné un peu l’impression de rentrer à la maison. J’ai de superbes souvenirs, je me rappelle de longues et enrichissantes discussions avec les professionnels d’ici sur des scènes clés du film, sur comment les exécuter…»
La cinéaste n’a pas hésité à rendre hommage, sur scène, à Stéphan Roelants et aux équipes du Studio 352 et de Mélusine Productions. «Il n’existe pas un autre studio comme celui-là en Europe, c’est un privilège et un honneur d’avoir pu travailler avec eux», a-t-elle lancé après avoir reçu sa statuette des mains de la productrice Bady Minck et du compositeur André Dziezuk. «Ils prennent des risques, ils travaillent avec leur cœur! C’est vraiment ce qui fait de Mélusine une maison de production unique. Ils demeurent à côté du réalisateur tout au long du projet, même quand celui-ci se base sur une histoire qui n’est pas facile à raconter, comme c’était le cas pour The Breadwinner», a-t-elle précisé ensuite au Quotidien.
«Ce n’était pas un film facile à faire, mais ils m’ont toujours apporté tout ce qu’il ont pu. Pour une réalisatrice, avoir un producteur et un studio comme ça, qui te donnent tout, c’est totalement inhabituel.» Un soutien donc «inhabituel», pour un film surprenant. Une œuvre forte, prenante, sur un sujet difficile, mais avec un traitement permettant de le regarder en famille. Vraiment, une grande réussite!

Pablo Chimienti 

«Un film à l’ambiance abîmée, sèche, poussiéreuse»

Coproduction grand-ducale, The Breadwinner a été en grande partie réalisé au Studio 352 de Contern. Rencontre avec Pascal Gérard, le superviseur des décors.

Quel a été le rôle exact de l’équipe décors du Studio 352 de Contern dans The Breadwinner?
Pascal Gérard : On était une équipe d’une petite dizaine de personnes qui a travaillé sur les décors du film. La première partie du travail consistait à s’imprégner d’un style prédéfini que l’on devait respecter. On a donc dû vite maîtriser, pour ce film, une technique inspirée d’une peinture à la gouache. On a essayé de garder un aspect naturel, et on a même travaillé certaines phases du décor sur papier. D’habitude, on a une technique assez proche de l’aquarelle pour les films d’animation : cela s’y prête bien, pour ne pas avoir quelque chose qui soit trop présent en arrière-plan. Mais, comme je le disais, cette fois-ci, c’est une particularité du film, on était sur une technique de gouache, où l’on voit un peu les coups de pinceau, les petits accidents, ce qui donne une matière un peu présente, avec des effets de brosse un peu secs sur les rochers, par exemple. Cela convenait bien à l’ambiance un peu abîmée, sèche et poussiéreuse de l’Afghanistan.
Justement, comment crée-t-on des décors afghans depuis Contern?
C’est un travail de coproduction, nous avons donc pu, grâce au Film Fund, travailler sur ce film depuis le Luxembourg. Mais il y a eu des recherches qui ont été faites là-bas, en Afghanistan, ce qui a fait que nous avions une très vaste documentation. Après, c’est un film où l’on a beaucoup stylisé les choses. On n’a pas du tout voulu faire des décors – ou des personnages – réalistes, mais on a malgré tout essayé d’être le plus fidèle possible dans la description de la vie des habitants de Kaboul.
Quelle était cette documentation?
On avait à disposition de nombreuses photos, des objets, des tapis, des tasses… Il y a cette scène où les deux filles servent du thé à des clients; pour la faire, on a eu tout un dossier avec des photos sur les tasses à utiliser, les faïences bleues et noires très courantes dans les établissements de Kaboul… Plein de choses comme ça qui nous ont permis d’être très précis.
Quand on travaille sur un tel film, est-ce que l’on ressent quelque chose de particulier?
Évidemment. C’est très motivant de travailler sur un film avec un tel sujet. On sent qu’on est impliqué dans quelque chose qui fait réfléchir.

PC