Mehdi M’Hamdi alias Sylartichot, un jeune Eschois, rencontre le succès sur internet grâce à ses vidéos.
Le regard noir perçant, les cheveux de jais et la barbe clairsemée. La mine de Mehdi, éclairée par une simple bougie, est sérieuse et son ton est grave. Sur une musique un peu inquiétante, il conclut comme à chaque fois par sa punchline : « Alors, mythe ou réalité ? C’est à vous de voir… »
Les vidéos de Mehdi, plus connu sur YouTube en tant que «Sylartichot», ont un faux air de la série des années 90 Fais-moi peur!. Et pour cause : le Luxembourgeois le plus connu du net parle de loups-garous, de maisons hantées et d’aliens.
Pour lui, tout commence en 2011. En regardant des vidéos francophones de jeux vidéo, il a un déclic et crée sa chaîne. Il prend le nom de Sylartichot, inspiré de Sylar, le méchant de la série Heroes : « Toutes les possibilités avec le nom de ce personnage étaient déjà prises. J’ai tapé le mien un peu par hasard, et avec une faute d’orthographe en plus », plaisante le jeune homme. Une faute qui ne l’empêche pas d’avoir du succès, puisqu’il atteint les 70 000 abonnés.
Mais en 2015, il décide de « tenter le tout pour le tout » et de modifier son contenu. « Les jeux vidéo ne me faisaient plus autant vibrer », explique-t-il. Et le nouveau thème de ses vidéos a de quoi surprendre. Alors que les chaînes à succès concernent généralement la beauté ou l’humour, Mehdi, lui, parle de légendes urbaines, de phénomènes paranormaux et d’ovnis. Même s’il avait déjà fait quelques essais avec une web-série, il admet qu’il a « eu peur de ce changement, c’était un peu expérimental ».
Scénariste en herbe
Le fantastique, c’est sa passion depuis le collège, lorsqu’il découvre Le Horla, de Guy de Maupassant. Et « ce virage à 180 degrés » a payé, puisqu’en moins d’un an, le jeune Youtubeur gagne pas moins de 30 000 abonnés, ce qui le propulse au-delà de la barre symbolique des 100 000. « Je suis le premier étonné de cet engouement. Il faut croire qu’il y a une niche, et j’ai trouvé mon public. Je pense que les gens aiment se faire peur », suppose-t-il.
Mehdi reste pourtant très prudent. Bien qu’il admette « aimer jouer avec la perception » et « faire fantasmer », il fait très attention à ce qu’il avance dans ses vidéos. « Il y a beaucoup de charlatans et d’arnaqueurs qui assènent des vérités. Et les reportages que l’on voit à la télévision sont trop sensationnalistes. Il est toujours sain de douter », estime-t-il. YouTube peut être dangereux. Tout le monde peut me suivre, des enfants comme des adultes. Et les jeunes sont plus influençables que les adultes. C’est pourquoi je n’affirme jamais de vérité absolue. » Selon lui, la science apporte beaucoup de réponses, mais ne peut pas tout expliquer.
Par souci d’éthique, il travaille énormément pour préparer ses vidéos. « Certains sites racontent n’importe quoi. Je me documente beaucoup, je remets tout en question. Je vérifie, je recoupe mes sources et je cherche les contre-arguments », indique-t-il.
Une vidéo de 5 à 15 minutes lui demande en général une à deux semaines selon le sujet. Il n’hésite donc pas à demander de l’aide à sa copine Nina pour le montage ou pour des critiques. Mehdi s’investit aussi après la publication de ses vidéos, dans les commentaires et sur les réseaux sociaux : « Je suis submergé de messages, mais je réponds à chacun d’entre eux. »
Un travail qui n’est pas de tout repos, puisqu’il se voit parfois obligé de faire l’arbitre, de recentrer le débat, voire de supprimer certains commentaires insultants ou inappropriés. Mais il y prend quand même du plaisir. « C’est un incroyable espace de discussion, les gens font de plus en plus part de leurs témoignages. Il n’est pas toujours facile pour eux d’en parler à leurs proches, et ils sont rassurés de voir qu’ils ne sont pas seuls. Des liens se créent, c’est beau ! », s’enthousiasme le jeune homme.
Comme dans ses vidéos, Mehdi reste prudent en ce qui concerne sa vie privée. Il n’utilise les réseaux sociaux que pour promouvoir son travail, contrairement à beaucoup de Youtubeurs qui y dévoilent leur intimité. Car son ambition n’est pas de devenir célèbre. Même s’il n’est pas contre l’idée de participer à des conventions et de rencontrer ses abonnés, il n’en fait pas un business. « Grâce aux pubs, je gagne entre 100 et 150 euros par mois, ce qui est très utile, puisque je suis étudiant. Mais mon audience a pas mal augmenté récemment, donc je pense que je percevrai entre 500 et 600 euros », évalue-t-il.
De plus, le jeune homme aspire au métier de scénariste. Initié dans cette voie depuis l’adolescence grâce à son cousin Yann, de dix ans son aîné, il a entrepris des études de cinéma à Paris. Son rêve ? « Je voudrais relancer le cinéma de genre. Et une fois mes preuves faites, revenir au Luxembourg le développer », imagine-t-il. C’est pourquoi il compte enrichir ses vidéos avec des contenus de fiction. Histoire de se faire la main…
De notre collaboratrice, Anne Damiani