Dans le sud de la France, le Domaine de la Tour de Valat prélève des données sur les flamants roses depuis plus de 40 ans. Une opération nécessaire, pour protéger cette espèce menacée qui s’épanouit dans les zones humides.
Le soleil se lève à peine à l’horizon dans le sud de la France: 150 bénévoles encerclent doucement dans un des étangs des salins d’Aigues-Mortes des centaines de poussins flamants roses. Lorsque les humains habillés s’approchent des quelque 900 poussins gris, les flamants roses adultes qui gardaient cette « crèche » s’envolent à tire-d’aile vers les remparts de la ville d’Aigues-Mortes.
La Tour de Valat dispose ainsi de plusieurs centaines de milliers de données qui permettent de comprendre le comportement de chaque flamant bagué. « C’est absolument précieux pour adapter les mesures de conservation appropriées », souligne Jean Jalbert, 57 ans, directeur de la Tour du Valat.
Numéro alphanumérique unique
Serrés les uns contre les autres sur la rive de l’étang, les poussins, âgés de un à trois mois et ne sachant pas encore voler, sont saisis un par un. Puis chacun est pris en charge par un « porteur » bénévole et bagué par une personne qualifiée sur chacune de ses pattes. Certains se blottissent contre leur « porteur », d’autres se débattent sans ménager la personne qui les tient.
Les pattes et les ailes de chaque poussin sont ensuite mesurées, l’oiseau est pesé et on examine s’il a mangé. Le « porteur », souvent attendri, peut alors le relâcher à regret au bord de l’eau. « Vas-y, doucement ! », murmure ainsi Magalie face à un poussin qui patine péniblement dans la vase sans parvenir à rejoindre l’eau.
675 poussins en une matinée
« Ce matin, nous avons bagué environ 675 poussins, ce qui consiste à leur apposer deux bagues, l’une métallique qui contient un numéro unique provenant du Muséum (national) d’Histoire naturelle et une en PVC qui contient un numéro alphanumérique unique qui identifie chaque individu et qui est lisible à distance », explique Jean Jalbert.
« Depuis 41 ans, on a pu grâce à ces bagues suivre individuellement les flamants un peu partout là où ils se répartissent », notamment autour du bassin méditerranéen, poursuit-il. Grâce au baguage, on sait que le flamant rose vit plusieurs décennies, qu’il change tous les ans de partenaire, qu’il va les chercher dans la même classe d’âge, les « vieux » et les « vieilles » étant considérés comme les meilleurs reproducteurs.
500 000 flamands roses à travers le monde
Les femelles ne pondent qu’un oeuf par an. L’espèce est « atypique » en termes de migration, certains restant dans la région de la Camargue (sud), d’autres migrants vers l’Afrique du Nord en hiver et d’autres enfin ayant un comportement « erratique », migrant ou non selon les circonstances. Quelque 50 000 sont présents sur la côte méditerranéenne française à la saison de la reproduction, et seulement 20 000 en hiver.
Quelque 500 000 seraient recensés à travers le monde. L’espèce a été très menacée dans les années 1960. « On estime aujourd’hui qu’elle est en bon état de conservation », souligne Jean Jalbert. Mais les salins et grandes lagunes littorales qui sont « nécessaires à sa survie sont en train de disparaître à une vitesse alarmante sur la planète », avertit le spécialiste.
AFP