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Sous le tapis rouge de Cannes, les pavés


(photo AFP)

Des stars, la flamme olympique et un contexte explosif : le plus grand festival de cinéma s’ouvre ce mardi soir à Cannes, sur fond de rumeurs en lien avec #MeToo. Côté luxembourgeois, Les Films Fauves sont de retour en compétition.

La flamme olympique gravira les célèbres marches du Palais des festivals le 21 mai, portée par l’athlète paralympique français Arnaud Assoumani, ont annoncé hier les organisateurs du festival de Cannes. En attendant cet évènement dans l’évènement, sur la Croisette, les commerçants s’activent face à l’arrivée des 35 000 festivaliers attendus dès aujourd’hui. En coulisses, en revanche, l’ambiance est tout autre avec des rumeurs d’accusations en lien avec #MeToo qui circulent depuis des semaines sur les réseaux sociaux. Elles pourraient perturber la 77e édition du festival, sept ans après l’affaire Weinstein.

Une liste de personnalités du cinéma potentiellement accusées a circulé, mais aucune enquête n’a été publiée confirmant ou infirmant ces rumeurs. «Si le cas d’une personne mise en cause se présentait, nous veillerions à prendre la bonne décision au cas par cas», tentait de déminer récemment Iris Knobloch, présidente du festival. Et les organisateurs ont rappelé dimanche leur engagement depuis 2018 dans la lutte contre les violences sexuelles, «qui ont trop longtemps eu cours» dans le 7e art, via une cellule d’assistance dédiée.

Le sujet sera en tout cas abordé de front avec la venue, demain, de Judith Godrèche, devenue fer de lance de #MeToo en France. La comédienne, qui a accusé de viols deux figures du cinéma d’auteur, Benoît Jacquot et Jacques Doillon, présentera un court métrage en séance gratuite et en plein air (Cinéma de la Plage) : Moi aussi, réalisé avec un millier de victimes de violences sexuelles ayant répondu à son appel sur les réseaux sociaux. Lundi, l’actrice s’est jointe à un rassemblement de 100 à 200 personnes devant le Centre national du cinéma (CNC) à Paris pour réclamer le départ de son président Dominique Boutonnat, qui doit être jugé en juin pour agression sexuelle.

Grève et sécurité

Sur le plan social aussi, l’édition 2024 pourrait être agitée. Un collectif rassemblant des attachées de presse, projectionnistes, chargés de billetterie et autres travailleurs du cinéma appelle à une grève. Déplorant une précarité grandissante de leurs métiers, ils demandent à bénéficier du statut d’intermittents du spectacle et ont reçu le soutien d’acteurs comme Louis Garrel et Swann Arlaud. Le festival s’est dit prêt au dialogue.

Enfin, la tenue du festival de Cannes sera aussi lue sous l’angle de la sécurité. Avec sa pléiade de vedettes, la foule qui tente de les apercevoir et 4 500 journalistes accrédités, le rendez-vous sera dans l’objectif de dix-sept «caméras de vidéoprotection utilisant l’intelligence artificielle», a annoncé la mairie de Cannes.

Un dispositif installé «à titre expérimental» autour du Palais des festivals, et qui servira de répétition générale côté sécurité en vue des JO de Paris, à un peu plus d’un mois de leur cérémonie d’ouverture. Objectif : repérer les comportements suspects, détecter l’éventuelle présence d’armes ou les mouvements de foule, selon la mairie.

Jeune garde et vieux lions

Autant de secousses qui feraient presque oublier la compétition officielle, qui fait la part belle aux jeunes talents, à l’image des premiers films de la Française Agathe Riedinger (Diamant brut) sur le monde de la téléréalité, et de l’Indienne Payal Kapadia (All We Imagine as Light), «road movie» au féminin coproduit au Luxembourg (lire ci-dessous). Mais la Palme d’or est aussi briguée par une armada de monuments du 7e art : Francis Ford Coppola, deux fois palmé, retente le coup avec Megalopolis; mais aussi son vieux copain du «Nouvel Hollywood» Paul Schrader (Oh Canada), le Canadien David Cronenberg (The Shrouds), le Russe Kirill Serebrennikov (Limonov) ou l’Iranien Mohammad Rasoulof (The Seed of the Sacred Fig), condamné mercredi par les autorités de son pays à une peine de cinq ans de prison. Le palmarès sera dévoilé le 25 mai.

Le jury chargé de départager les 22 films en compétition est présidé par l’Américaine Greta Gerwig, auréolée du succès planétaire de Barbie (2023). Elle est épaulée par les comédiens Omar Sy, Eva Green, Lily Gladstone ou encore le cinéaste japonais Hirokazu Kore-Eda. Hollywood sera également célébré par les Palmes d’or d’honneur remises à l’actrice Meryl Streep et au réalisateur George Lucas, ainsi que, hors compétition, le retour de la saga Mad Max de George Miller, avec le film Furiosa, et la venue de Kevin Costner pour le premier opus de sa saga Horizon, sur l’Ouest américain. Côté nouveauté, Cannes lance une compétition de films immersifs, incluant la réalité virtuelle.

Le Luxembourg à Cannes

À l’échelle du Luxembourg, l’édition 2023 du festival de Cannes fut exceptionnelle. La délégation grand-ducale avait beau être rentrée quasi bredouille au pays (à l’exception d’un joli prix de la révélation à la Semaine de la critique pour Jovan Ginić, le jeune acteur serbe de Lost Country, de Vladimir Perišić, coproduit par Samsa Film), le pays a explosé les records de sélections avec des œuvres depuis largement acclamées : ensemble, Jeunesse (Le Printemps) de Wang Bing (compétition officielle), Los delincuentes de Rodrigo Moreno (Un certain regard) et Conann de Bertrand Mandico (Quinzaine des cinéastes) forment l’exploit des Films Fauves. Mais Lost Country, tout comme Terrestrial Verses, d’Ali Asgari et Alireza Khatami (Un certain regard), ce dernier produit par le Luxembourgeois d’origine iranienne Cyrus Neshvad, ont fait aussi l’effet de petites déflagrations bien senties.

En outsiders magnifiques, Les Films Fauves (Gilles Chanial et Govinda Van Maele) font déjà leur retour en compétition officielle – peut-être déjà adoptés par un festival toujours prompt à agrandir sa «famille» – alors que la présence luxembourgeoise cette année se fera plutôt en marge et à l’avant-garde. La société de production basée à Differdange reste d’ailleurs fidèle à sa philosophie radicale et décalée : son entrée, cette année, s’appelle All We Imagine as Light. Un film indien en compétition officielle (le premier depuis 30 ans!), le premier long métrage de fiction de la documentariste Payal Kapadia. La jeune cinéaste n’est pas tout à fait inconnue à Cannes, puisqu’elle y a remporté en 2021 l’Œil d’or, le prix du meilleur documentaire, avec A Night of Knowing Nothing. N’empêche, entre Coppola, Audiard, Lanthimos, Cronenberg, Serebrennikov, Sorrentino et consorts, les noms sont impressionnants et la concurrence, c’est peu de le dire, rude.

Dans un festival qui, chaque année, tient ses petits rendez-vous et sort ses nouveautés, la présence luxembourgeoise se fait une place partout. Évènement mineur de la grosse machine cannoise, mais pas moins évènement, le lancement d’une «compétition immersive» de huit films en réalité virtuelle ou augmentée, dans laquelle Wild Fang Films (Hélène Walland et Christian Neuman) proposera The Roaming : «une création de Mathieu Pradat qui transporte les participants dans un environnement virtuel partagé où ils peuvent interagir les uns avec les autres et avec leur environnement», «défiant les limites de la réalité virtuelle», assure le Film Fund dans un communiqué. Une autre œuvre signée Wild Fang, Missing Pictures : Naomi Kawase (vue en 2023 au LuxFilmFest), est elle proposée hors compétition. Le palmarès «Cannes Immersive» sera annoncé le 23 mai.

Enfin, pour la terre de cinéma d’animation qu’est le Luxembourg, le programme toujours excellent de l’idyllique Cinéma de la Plage proposera à tous les publics et cinéphiles curieux de la Croisette le film Slocum et moi, nouveau long métrage de Jean-François Laguionie, produit par Mélusine Productions (Stéphan Roelants) et principalement réalisé au Studio 352, à Contern.

V. M. 

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