La barrière des sous-titres aux Etats-Unis est définitivement levée: malgré ses nombreux dialogues en Japonais, la série « Shogun » a triomphé dimanche aux Emmy Awards, avec le prix de la meilleure série dramatique et un nombre record de récompenses.
Cette adaptation du roman de James Clavell, qui explore les luttes de pouvoir dans le Japon du 17e siècle, a récolté 18 trophées lors de cet équivalent des Oscars pour la télévision américaine. Elle devient la première série non anglophone à remporter la récompense reine et a également reçu le prix de la meilleure réalisation.
Son scénariste Justin Marks a souligné le pari créatif, effectué par la chaîne FX et son propriétaire Disney, avec ce projet. « Vous avez validé une série d’époque japonaise sous-titrée, très coûteuse, dont le point culminant se déroule autour d’un concours de poésie », a-t-il salué.
La star du feuilleton, Hiroyuki Sanada, a remporté l’Emmy du meilleur acteur. « C’était un projet de rêve où l’Est rencontre l’Ouest », a salué l’acteur, premier comédien japonais à remporter un Emmy grâce à son personnage de seigneur fin stratège.
Sa covedette Anna Sawai, remarquable en fille d’un samouraï déchu convertie au catholicisme, a été élue meilleure actrice. C’était « le rôle d’une vie », a-t-elle remercié, très émue.
Les productions sud-coréennes « Parasite », Oscar du meilleur film en 2020, et « Squid Game » qui a gagné de nombreux Emmys en 2022, avaient ouvert la voie. Le sacre de « Shogun » confirme que le public américain peut désormais encenser une série en langue étrangère, avec un prisme culturel différent.
Environ 70% des dialogues sont en japonais et le héros du roman, un marin anglais échoué dans l’archipel nippon, passe dans la série rapidement à l’arrière-plan, au profit des intrigues de cour et des rivalités meurtrières du shogunat.
« Hacks » crée la surprise
Dans les autres catégories dramatiques, Elizabeth Debicki a notamment été élue meilleur second rôle féminin, grâce à son incarnation de la princesse Diana dans la dernière saison de « The Crown », la saga sur la famille royale britannique. La série HBO « Hacks » a elle créé la surprise en remportant l’Emmy de la meilleure comédie, face au grand favori « The Bear: sur place ou à emporter ».
Les ressorts comiques de « Hacks » reposent sur un duo improbable entre une gloire vieillissante du stand-up américain, incarnée par Jean Smart, et une jeune humoriste chargée de renouveler ses blagues, jouée par Hannah Einbinder. La série a été récompensée pour le scénario de sa troisième saison et Jean Smart a été élue meilleure actrice.
« J’apprécie cela parce que je ne reçois pas assez d’attention, sérieusement », a remercié la comédienne de 73 ans.
Privée du prix majeur, « The Bear » a néanmoins récolté 11 Emmys, dont une pluie de trophées pour son casting, grâce à sa plongée éprouvante dans l’arrière-cuisine d’un restaurant de Chicago en quête d’une étoile.
Jeremy Allen White et Ebon Moss-Bachrach, qui incarnent deux amis d’enfance devenus chef et maître d’hôtel, ont respectivement remporté le prix du meilleur acteur et celui du meilleur second rôle masculin pour la deuxième année consécutive. Liza Colon-Zayas, qui campe une cuisinière bourrue, a elle été élue meilleur second rôle féminin.
« Mon petit renne » couronné
La soirée a aussi récompensé le phénomène Netflix « Mon petit renne » comme meilleure mini-série, une catégorie réservée aux feuilletons d’une seule saison. Récit d’un barman de Londres harcelé par une femme atteinte de troubles psychiatriques, cette série présentée comme une « histoire vraie » est basée sur les mésaventures de son auteur, l’humoriste écossais Richard Gadd.
Il a été élu meilleur acteur de la catégorie et a également reçu le prix du meilleur scénario. Cette série sortie de nulle part a prouvé que « la seule constante de tout succès à la télévision, c’est une bonne narration. Une bonne histoire qui parle de notre époque », a lancé M. Gadd, en kilt sur scène. « Alors, prenez des risques, repoussez les limites, explorez l’inconfortable. »
Jessica Gunn, qui incarne sa harceleuse à l’écran, a elle reçu le prix du meilleur second rôle féminin. Dans la vraie vie, la Britannique qui aurait inspiré ce personnage a été traquée sur les réseaux sociaux et a porté plainte contre Netflix pour diffamation. Elle réclame 170 millions de dollars de dédommagement.
Les mini-séries comprennent également les anthologies – feuilletons qui gardent le même thème mais changent de personnages et de cadre à chaque saison. A ce titre, la quatrième mouture de « True Detective » a permis à Jodie Foster de remporter le prix de la meilleure actrice.
La comédienne y incarne une enquêtrice acharnée dans la nuit polaire de l’Alaska. A 61 ans, elle avait deux Oscars, mais n’avait encore jamais remporté d’Emmy.