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[Séries TV] « Gypsy », un plaisir coupable à s’autoriser


Que voit réellement Naomi Watts dans le miroir déformant de "Gypsy" ? (capture vidéo Netflix)

L’une des dernières productions de Netflix, disponible depuis fin juin, renoue avec ce qui fait la qualité de la plateforme de streaming. Difficile de résister à « Gypsy », envoûtante et palpitante.

Il était temps. Temps de revenir à ce qu’il se fait de mieux sur Netflix : des séries puissantes. De celles qui vous collent des frissons et une bonne claque dans la foulée. Ces derniers mois, les émotions pures ont été refoulées du catalogue des nouveautés. Après les superficielles Riverdale ou 13 Reasons Why, on craignait de s’enfoncer un peu plus dans les abîmes de la logique commerciale avalant la profondeur créatrice.

Et puis est apparue Gypsy, créée par Lisa Rubin. La série que l’on n’attendait plus mais qu’on espérait fort. Surtout ne pas s’arrêter au nom de la réalisatrice, Sam Taylor-Johnson, connue pour son adaptation au cinéma de… Cinquante nuances de Grey. Non vraiment, promis, Gypsy va beaucoup plus loin que les papouilles menottées et cravachées de l’assistante coincée et du milliardaire débridé.

On y suit Jean Holloway, brillamment portée par Naomi Watts, psychothérapeute new-yorkaise aux méthodes disons… spéciales. Allant jusqu’à s’immiscer dans l’intimité de ses patients et de leurs proches, sous couvert de leur venir en aide. Et d’anonymat. Car Jean mène une double vie, flirtant avec les limites de l’acceptable, transgressant les règles de cette société étriquée. Jusqu’au point de rupture.

Enfermée dans ses mensonges pour sauver les apparences, mais libre de tout inventer pour séduire. Jean dissimule sous ses airs de bourgeoise mariée et maman modèle la personnalité incandescente de Diane Hart, son « double maléfique » comme elle s’en amusera devant une collègue suspicieuse. Sauf qu’elle se brûlera les doigts à tant exciter son feu intérieur. On le sent venir rapidement, ses mondes aux antipodes finiront par se rentrer dedans. Un séisme émotionnel violent, sans doute.

Mais la descente aux enfers prend le temps d’explorer la psychologie de son héroïne dont on devient vite accro. Du canapé du salon au divan de la psy, observateur et voyeur, nous prenons la place de ces existences paumées, abandonnées aux excès. Perdues dans le vaste foutoir des sentiments contraires. Trop résignées pour se débattre et résister.

Jean, ou Diane on ne sait jamais réellement, use de manipulation subtile et l’on se prend au jeu de ses obsessions. Cédant au plaisir malsain et coupable. « C’est comme fixer le soleil, remarque très justement l’un des patients. On sait que c’est dangereux, mais on ne peut pas s’en empêcher. »

Les délires de Jean – ou Diane, toujours – se fondent dans nos propres fantasmes, assumés ou réfrénés. Gypsy fascine autant qu’elle peut déranger. La dualité s’étale sur dix épisodes dont le final, particulièrement déroutant, laisse entrevoir une deuxième saison. Espérons que Netflix accorde cette suite méritée et nécessaire, parce que l’addiction est déjà forte.

Alexandra Parachini