Avec Westworld, la chaîne américaine HBO a sans doute trouvé la remplaçante de Game of Thrones, promise à une fin prochaine. En une saison, carton d’audience outre-Atlantique, cette nouvelle série d’anticipation s’impose déjà comme une référence.
Elle vous happe dès les premières minutes du pilote et ne vous lâche plus jusque dans les dernières secondes du final. Westworld, la nouvelle locomotive HBO adaptée du film éponyme de Michael Crichton (1973), est un bijou comme on en voit peu. Du travail d’orfèvre, à ce point précis qu’il faut être sacrément pointilleux pour trouver à redire. Les plus pressés reprocheront peut-être un début de saison empreint d’une relative lenteur. Un rythme toutefois nécessaire qui prend le temps d’installer l’intrigue et ses nuances, complexes et fascinantes. Le tout porté par un casting magistral, Anthony Hopkins et Ed Harris en tête.
Westworld donne son nom à un parc avec pour décor l’ouest américain, ses cow-boys et ses bandits. Ici, dans ce monde à part, de riches visiteurs viennent se défouler sur les habitants qu’ils ont le loisir de dépouiller, violer, tuer. Car ces habitants fabriqués de toutes pièces, appelés les hôtes, sont des robots calqués trait pour trait sur des humains. Ces êtres bel et bien vivants ne sont pas faits du même bois que nous autres, mais n’en sont pas moins doués de sensibilité. Ils rient, pleurent, saignent et souffrent autant que le commun des mortels. Voilà pourquoi toutes les nuits, leur mémoire est effacée et avec elle le souvenir des horreurs subies à longueur de journée. Au petit matin, les voici prêts à répéter les mêmes mimiques et à tourner en boucle. Comme la bande-son, discrète, qui joue pourtant un rôle majeur : elle résonne telle une mélodie intérieure qui guide les personnages, réglés comme du papier à musique, dans leur partition quotidienne orchestrée par le créateur des lieux, Robert Ford (interprété par Anthony Hopkins, toujours aussi magnétique). Ce tout puissant devenu démiurge, aux airs de Machiavel trafiquant les rouages de la mécanique du cœur, apparaît comme une réincarnation du Dr Frankenstein.
Divine Comédie dantesque
Et l’on soupçonne très vite quelques-unes des créatures sur le point d’échapper aux contrôles drastiques de leurs maîtres, les employés de la firme qui gère le parc. Une mise en garde revient d’ailleurs à plusieurs reprises, au travers de cette citation tirée de Roméo et Juliette : « Les joies violentes ont des fins violentes ». On pressent un soulèvement des machines à venir. Certains des androïdes semblent en effet mus par des réminiscences de leurs existences et douleurs oubliées, à l’image de Dolores, fille de fermier faussement naïve, et de Maeve, tenancière d’un bordel froidement méticuleuse. Une sorte de bug dans ce système d’exploitation des sentiments qui leur permettrait de prendre conscience de leur condition inhumaine. L’enfer, c’est les hôtes. Des Prométhée modernes enfermés à jamais dans des rôles absurdes, condamnés à rejouer inlassablement cette Divine Comédie dantesque.
Les hôtes gagnent sans mal la compassion du spectateur, écœuré par les hommes en chair et en os qui -tous ou presque- ont laissé leur humanité aux portes d’un labyrinthe infernal. Éclipsée par un égoïsme aveugle. « Ne leur faites pas confiance », reconnaîtra Robert Ford. Dans Westworld, la réalité est sans cesse remise en question et le diable se cache dans les nombreux détails dont est truffé chacun des dix épisodes. Cette première saison se prête volontiers à un deuxième visionnage pour en apprécier toutes les subtilités.
La série allégorique distille de savants rebondissements, juste assez pour vous retourner le cerveau. Mais sans vous laisser en plan au moment de conclure. Promis, lumière est faite sur une partie des mystères entretenus tout du long. Des zones d’ombre sont soigneusement ménagées puisqu’une saison 2 est d’ores et déjà commandée pour 2018. Tant mieux, car il y a encore tellement à explorer dans l’univers de Westworld.
Alexandra Parachini