Record de nominations aux Emmy Awards, une troisième saison en cours et une quatrième déjà tournée : The Bear, série quatre étoiles, est devenue un phénomène. Détour par les cuisines.
Plongée épuisante dans les cuisines d’un grand restaurant, où chaque chef a autant de talents que de névroses, The Bear a écrit une page de l’histoire des Emmy Awards mercredi, en récoltant le plus grand nombre de nominations pour une comédie. Nommé dans 23 catégories, la série signe ainsi une année record lors de cet équivalent des Oscars télévisuels. Une performance d’autant plus remarquable que sa nature même de «comédie» est largement débattue, car le feuilleton aborde des thèmes difficiles, allant de la mort à la trahison en passant par le harcèlement émotionnel.
«On trouve le rire dans le chagrin !», estime ainsi Ebon Moss-Bachrach, l’acteur qui interprète le gérant du restaurant. «Je crois que l’une des forces de la série, et l’une des raisons pour lesquelles elle a touché tant de gens, c’est que la tristesse est quelque chose qui nous traverse tous», a-t-il ajouté. La deuxième saison de The Bear a confirmé le succès de la série, diffusée par la chaîne FX, propriété de Disney (la troisième est sortie le 26 juin aux États-Unis, et est disponible sur Disney+ depuis mercredi).
Une comédie, vraiment ?
Le feuilleton retrace le stress généré par l’ouverture d’un nouveau restaurant gastronomique audacieux et expérimental, né des cendres d’une sandwicherie familiale bordélique. Mais l’intrigue culinaire se nourrit d’évènements tragiques : les personnages doivent affronter le suicide d’un proche, luttent contre l’alcoolisme, s’occupent de parents en fin de vie, et se déchirent parfois les uns les autres. Au milieu de tous ces drames, la série «a aussi des moments très légers, très beaux», insiste Ayo Edebiri.
Assez pour faire de The Bear une comédie ? La question est importante – et toujours débattue – à Hollywood. Car les Emmy Awards séparent leurs prix en trois grands types de catégories : les séries dramatiques, les comédies et les mini-séries – limitées à une saison. L’inscription de The Bear dans la catégorie «comédie» est parfois dépeinte comme une stratégie d’évitement de la part de ses producteurs, car cela permet de ne pas affronter les poids lourds des catégories dramatiques comme Succession, et donc de rafler plus de prix.
Fini Seinfeld, place à Fleabag
Mais les comédies, de manière générale, ont «pris une tournure plus sérieuse», nuance Clayton Davis, chroniqueur du magazine Variety. Selon lui, l’époque des «franches tranches de rigolade», à son apogée avec le feuilleton Seinfeld dans les années 1990, est désormais révolue. Des comédies comme Barry, chronique grinçante d’un tueur sociopathe voulant devenir acteur, ou encore Fleabag, portrait d’une jeune femme au bord de la crise de nerfs et à la sexualité vorace, ont exploré les recoins sombres de l’âme humaine, rappelle-t-il.
On trouve le rire dans le chagrin !
Pourtant, The Bear peut aussi être vu comme une véritable comédie, maniant l’humour noir. Comme lorsqu’un personnage explique qu’il ne connaît pas très bien sa défunte mère, à cause de «toute cette histoire de mort», ou qu’un autre se fait accidentellement poignarder lors d’un jeu. «Plus de comédies devraient embrasser le fait que l’on peut encore trouver de l’humour dans les moments de grande détresse», estime la scénariste Sarah John, dans le journal The Daily Beast.
Pression et grandes prétentions
Quoi qu’il en soit, ces débats n’empêchent pas The Bear de nourrir de grandes prétentions. Ses acteurs Jeremy Allen White, Ayo Edebiri et Ebon Moss-Bachrach ont tous été nominés aux Emmy Awards mercredi en fin d’après-midi, après avoir déjà été récompensés l’an dernier. La troisième saison de la série est d’ailleurs disponible en France depuis cette semaine. Et il se pourrait même qu’une autre soit déjà dans les tuyaux.
En effet, des rumeurs assurent qu’une quatrième saison aurait été tournée en même temps que la troisième, et les acteurs n’ont pas vraiment cherché à les démentir. «Nous avons fait quelque chose comme ça», ont-ils admis. «La pression est bien réelle», a poursuivi Jeremy Allen White, encore favori cette année pour remporter l’Emmy du meilleur acteur. «Mais après quelques semaines de retour auprès de ces gens et de notre belle équipe, on s’amuse à nouveau et tout semble à nouveau possible.»
The Bear (saison 3).
Disney +.