Des milliers d’enfants autochtones arrachés à leurs parents : c’est ce chapitre méconnu de l’histoire du Canada qu’explore la série Little Bird, sur ARTE.
Récompensée du prix du public au festival Séries Mania en 2023, Little Bird, une fiction en six épisodes actuellement diffusée en streaming sur la plateforme Arte.tv, suit la quête d’identité d’Esther Rosenblum, une Amérindienne élevée dans une famille juive qui entreprend, dans les années 1980, de retrouver sa famille d’origine. Née Bezhig Little Bird, l’étudiante en droit va découvrir l’ampleur du mensonge et l’injustice du système dont elle a été victime, enlevée des bras de sa mère, séparée de sa fratrie et de sa communauté, alors qu’elle n’avait que cinq ans.
Son sort est partagé par 20 000 enfants, placés ou adoptés par des Canadiens, en Europe ou aux États-Unis, entre les années 1960 et 1980. En 2021, la découverte de plus d’un millier de tombes non identifiées d’enfants près des sites d’anciens pensionnats pour autochtones a ébranlé le Canada, dont la politique d’assimilation forcée est considérée depuis 2015 comme un «génocide culturel». Mais la question de la «rafle des années 1960» reste «encore largement un non-dit», estime la cocréatrice de la série, Jennifer Podemski, Anichinabée par sa mère.
Racisme systémique
L’autre cocréatrice, Hannah Moscovitch, n’en avait, elle, jamais entendu parler avant ce projet. «Mon cœur battait à tout rompre à la fin parce que c’est si dévastateur de découvrir que votre nation a commis un génocide dont vous n’aviez pas idée, contre des enfants», s’émeut-elle. Même quand ils sont confrontés à ces faits, «les gens pensent qu’il s’agit de quelque chose du passé» et ils «n’ont pas conscience de l’impact que cela a aujourd’hui sur les familles», ajoute Jennifer Podemski. D’où la force de Little Bird, ancrée dans une période plus récente et portée par une équipe directement concernée par son sujet, à l’instar de l’actrice principale, Darla Contois, dont le père fait partie des victimes de la rafle.
Le Canada, qui n’a adhéré qu’en 2021 à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, a accordé ces dernières années des milliards de dollars aux descendants des premiers habitants du pays pour les «préjudices» subis pendant plus d’un siècle. Sans enrayer la pauvreté et les discriminations toujours subies par leurs communautés, qui représentent 5 % de la population. «Le nombre d’enfants autochtones placés n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui», est-il ainsi rappelé à la fin de chaque épisode : ces dernières années, des mères autochtones jugées à risque étaient encore séparées de leur bébé dès la naissance en vertu d’un système controversé de signalements, officiellement abandonné par les provinces canadiennes entre 2019 et 2023.