La semaine dernière, la France revivait avec émotion la nuit tragique des attentats perpétrés il y a dix ans à Paris. Avec Des vivants, la fiction s’empare de l’Histoire et place la caméra à la hauteur des victimes du Bataclan.
Marie, Caroline, Sébastien, Arnaud, Grégory, Stéphane et David se nomment entre eux les «Potages», contraction de «potes» et «otages». Ils ont inspiré un récit puisé dans l’intime, étalé sur huit épisodes de 52 minutes : la série Des vivants raconte ces deux heures côte à côte dans un couloir face aux jihadistes le soir du 13 novembre 2015, une amitié à jamais, unique et lumineuse, sans oublier la lente reconstruction de ces anciens otages du Bataclan. Avec leur assentiment, Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur réputé, s’est emparé de leurs vies pour en faire «une grande fresque» et dépasser l’effroi que suscitent encore les attentats, a-t-il expliqué en septembre.
On ne peut pas tricher avec un sujet pareil
«Le moment du deuil est passé. Le moment de la justice est passé» et, dix ans après, «c’est le moment de se souvenir et de partager à nouveau», estime celui qui a un temps hésité à plonger dans ce sujet. Au casting figurent Benjamin Lavernhe, pensionnaire de la Comédie-Française, Alix Poisson, qui a joué dans la récente série Sambre du même Jean-Xavier de Lestrade, ainsi qu’Antoine Reinartz, vu dans Anatomie d’une chute, et encore Félix Moati et Anne Steffens. La fiction s’est déjà saisie ces dernières années des attentats de 2015 en France, à l’instar du film Novembre (2022) sur l’enquête policière ou de la série Une amie dévouée portant sur une fausse victime.
De «l’individuel» au «collectif»
Des vivants s’attache pour la première fois au destin méconnu de ces otages. Dans la série, «on n’a de cesse de passer de l’individuel au collectif», ce groupe des «potages» qui les a «réparés», observe Antoine Lacomblez, coscénariste. Avec Jean-Xavier de Lestrade, ils ont recueilli les témoignages de sept des onze otages, ceux devenus amis, de leurs conjoints, de la psychologue de la police et aussi du patron de la Brigade de recherche et d’intervention, qui a donné l’assaut ce soir-là. Leur parole a été «respectée», sans aller jusqu’à la «révérence», dit le réalisateur, oscarisé pour son documentaire Un coupable idéal.
L’histoire démarre au sortir de la salle de concert à minuit trente, dans le fracas et la sidération post-libération. Au fil des jours, des semaines, des mois et des années, la série suit par touches leurs effondrements successifs et leurs sursauts. Chacun va à son rythme sur le lent et tortueux parcours post-trauma : retour au travail ou délaissement, énergie folle ou repli sur soi, volonté d’aller de l’avant ou culpabilité qui ronge. La bande d’amis, liés pour la vie, se retrouve régulièrement dans un bar pour échanger, se confier et aussi rire et chanter.
Le «vertige» du tournage
Les profils sont divers, du jeune homme de cité HLM à l’ingénieur qui a gardé de la soirée une bille en métal dans le dos. Tous sont amateurs des Eagles of Death Metal, qui donnaient un concert ce soir-là. Le 13 novembre 2015 est resté «sacré», «brûlant», d’où un certain «vertige» au tournage, relate Benjamin Lavernhe. Comme les autres acteurs, il a été «soulagé» de rencontrer le vrai Arnaud qu’il incarne et de constater qu’il adhérait au projet télévisuel. «On ne peut pas tricher avec un sujet pareil» ni «avec les décors», ajoute Jean-Xavier de Lestrade, qui a tourné plusieurs scènes au Bataclan et inséré quelques images qu’il avait prises au smartphone lors d’une commémoration.
Le huis clos du couloir de la prise d’otages est reconstitué avec fidélité, assaillants compris, et dévoilé peu à peu. Et chaque «potage» finit par «sortir du couloir» dans sa tête. Lors de cette soirée, 90 personnes ont été tuées dans la salle de concert par trois jihadistes, tandis que deux autres commandos semaient la mort ailleurs dans Paris et ses environs. Au total, 130 personnes ont été tuées en quelques heures dans les attentats les plus meurtriers jamais commis en France. France Télévisions continue de consacrer d’autres programmes aux dix ans de ces attaques, dont les documentaires Le choix de Sonia, 13 Novembre : Les ricochets et 13 Novembre, nos vies en éclat.
Des vivants, Jean-Xavier de Lestrade.
France TV.