Nouvelle adaptation d’un jeu vidéo, la série Fallout espère surfer sur le succès de The Last of Us, confirmant au passage qu’Hollywood n’est pas près de lâcher le filon. Découverte.
Un an après le succès de The Last of Us, une nouvelle adaptation d’un jeu vidéo a débarqué vendredi sur Prime Video : Fallout, blockbuster post-apocalyptique produit par les créateurs de Westworld, dont le frère de Christopher Nolan, Jonathan (en compagnie de sa femme Lisa Joy). Incarnée notamment par Walton Goggins (Justified), Ella Purnell (Yellowjackets) et Kyle MacLachlan (Twin Peaks, Desperate Housewives), cette série en huit épisodes tirée d’une saga de jeux de rôle dépeint un monde rétrofuturiste, 200 ans après une guerre nucléaire mondiale.
Il n’y a pas besoin de connaître le jeu pour apprécier la série!
On y suit Lucy qui, contrainte de quitter l’un des abris antiatomiques dans lesquels ont pu se réfugier les plus privilégiés, va découvrir un monde irradié sans foi ni loi, où règne violence et anarchie, peuplé de multiples créatures mutantes. À l’inverse de la série de HBO The Last of Us, calquée sur l’histoire du jeu éponyme, Fallout crée une nouvelle trame et de nouveaux personnages. Elle s’inspire surtout du «ton de son modèle» mêlant «drame, émotion, humour noir, satire, politique», a expliqué Jonathan Nolan, qui a également réalisé les trois premiers épisodes.
Lancée sur PC en 1997
Le concepteur de jeux vidéo Todd Howard et son équipe, à l’origine notamment de Fallout 3 et Fallout 4 (sortis chez Bethesda Games Studios), «ont participé à chaque étape» de l’adaptation, fait valoir Jonathan Nolan, qui n’a toutefois pas cherché à satisfaire à tout prix les fans de la série, lancée sur PC en 1997. «Je veux que les gens sachent qu’il n’y a pas besoin de connaître le jeu pour apprécier la série!», a d’ailleurs insisté l’actrice Ella Purnell.
De fait, les profanes auront plein de raisons de regarder ce western explosif, sanglant mais drôle, qui privilégie les décors naturels à la 3D, tourné à New York, dans l’Utah (ouest des États-Unis) et en Namibie (notamment sur la côte des Squelettes). «Huit d’entre nous ont fait un voyage de quatre heures en hélicoptère pour se rendre sur les lieux de l’épave abandonnée que l’on voit dans le premier épisode» pour seulement «douze secondes» à l’écran, relate Ella Purnell, saluant aussi le niveau de détail des décors construits pour la série.
Budget colossal
«On avait souvent l’impression d’être dans un parc d’attractions !», abonde de son côté son partenaire de jeu Aaron Moten. Un tournage en «conditions réelles» permis grâce au soutien financier d’Amazon. «Quand on adapte un jeu vidéo, qui ne repose que sur des visuels générés par ordinateur, des visuels très beaux qui plus est, on n’apporte rien à la franchise en donnant au public encore plus d’images virtuelles», justifie Jonathan Nolan. Mais cette immersion a forcément un coût (le magazine américain Variety évoque ainsi un budget de 153 millions de dollars). Et Fallout devra «marcher auprès du public» pour connaître d’autres saisons.
Le créateur, «réaliste», semble aussi frustré de n’avoir pu terminer sa série Westworld, brusquement annulée après quatre saisons. Pour éviter un naufrage, il pourra peut-être s’appuyer sur le succès récent, public et critique, de The Last of Us, qui a prouvé que le passage de la console à la fiction en prises de vues réelles pouvait fonctionner. «Cela nous a énormément aidés que cette série sorte en premier, qu’elle soit si brillante et si bien reçue, parce que cela enlève beaucoup de pression», a assuré, bon joueur, Jonathan Nolan. Autre atout de sa série : la musique, qui allie titres rétro, fidèles à l’ambiance des années 1950 du jeu, et bande originale composée par Ramin Djawadi (Game of Thrones, Westworld).
Séries et jeux vidéo : une histoire d'amour
partie pour durer, selon Jonathan Nolan
«Vaste mine d’histoires», les jeux vidéo vont «probablement devenir la première source d’inspiration d’Hollywood», estime Jonathan Nolan, dans la foulé de la sortie de Fallout, adaptation d’une saga bien connue des gamers dont il fait partie. Certes, les adaptations de jeux en film et en série ne sont pas nouvelles, mais leur qualité laissait souvent à désirer, du film Super Mario Bros (1993) à la série Resident Evil sortie sur Netflix (2022). Et la liste est très longue (Mortal Kombat, Street Fighter, Doom, Alone in the Dark, Far Cry…), sans oublier toutes celles en cours (Minecraft, Zelda, God of War…).
La donne semble avoir changé grâce à des créateurs qui «ont grandi avec des jeux vidéo» à l’instar de Jonathan Nolan, qui jouait à Pong, simulateur de ping-pong minimaliste sorti en 1972, avec son frère, et s’est émerveillé il y a 16 ans devant Fallout 3, jeu de rôle immersif. «C’est comme d’être né à la fin du XIXe siècle et d’assister à la naissance du cinéma !», lâche dans un rire le producteur, âgé de 47 ans. «Je me suis rendu compte à cette époque que la narration des jeux vidéo était devenue, à bien des égards, plus ambitieuse, plus avant-gardiste et plus punk que le cinéma ou la télévision», raconte Jonathan Nolan, qui verrait bien, par exemple, les univers de Half Life, Bioshock ou Portal, remplis de «moments à couper le souffle», adaptés en séries.
«On va beaucoup entendre parler dans les prochaines années des jeux vidéo, au cinéma ou à la télévision (…) C’est un excellent médium pour raconter des histoires, et même le plus gros vu le nombre de personnes qui y jouent et la taille de l’industrie», juge-t-il encore. Ces derniers pourraient ainsi dominer, dans les années à venir, la production américaine, friande de marques facilement identifiables. D’autant plus vrai «qu’on commence à sentir un reflux des films de super-héros», estime celui qui a revisité Batman avec son frère, en coécrivant The Dark Knight et The Dark Knight Rises.