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Se faire une place dans le eSport, le pari sur l’avenir des éditeurs de jeux vidéo


Le eSport affiche une rapide progression et devrait passer le milliard de dollars de chiffre d'affaires cette année, sans que les éditeurs n'aient jusqu'ici joué un rôle central dans son développement. (Photo : AFP)

Les éditeurs de jeux vidéo tentent de reprendre la main dans le eSport, dont le développement s’est surtout fait jusqu’ici grâce à l’implication des joueurs, cherchant à pousser certains de leurs titres sur la scène sportive afin de s’assurer une place dans un univers vu comme très prometteur.

Parmi les grands éditeurs de jeux vidéo se faisant une place dans l’eSport, le français Ubisoft, absent de la première vague eSport, tente depuis un peu moins de deux ans de tailler une place à son jeu de tir à la première personne Rainbow Six Siege. Le groupe a ainsi mis en place un calendrier de compétitions dont l’un des temps forts a lieu cette semaine porte de Versailles, à Paris, tout en cherchant à susciter l’intérêt tant des joueurs que des équipes.

« Nous travaillons beaucoup avec les équipes afin de les amener sur Rainbow Six (et) d’assurer le développement de notre scène eSport et de leurs marques », confirme François-Xavier Deniele, directeur eSport pour Ubisoft en Europe, Afrique et Moyen-Orient. Un travail qui semble porter ses fruits: la plupart des grosses équipes mondiales participent désormais à la ligue professionnelle mise en place par l’éditeur, qui de son côté leur donne un calendrier annuel clair, une rareté dans le eSport.

« C’est le parfait exemple d’une réussite sportive », estime Xavier Oswald, directeur de la stratégie de l’équipe française Vitality. « Ils ont fait un gros travail auprès des équipes, en allant voir toutes les grosses structures pour les inciter à venir sur le jeu. » A l’image des tournois de tennis ATP, Ubisoft a ainsi organisé ses compétitions autour d’événements importants, les « Majors », comparables à un grand chelem sur Rainbow Six (celui de Paris est doté de 350 000 dollars de récompense) et autour desquels s’articulent des événements moins importants.

Manque de vision stratégique

Cela « illustre le tournant de la professionnalisation du secteur », estime Xavier Oswald, qui regrette que trop de compétitions eSport se montent encore au dernier moment, « ce qui nous empêche de travailler correctement en amont avec nos partenaires ». Les éditeurs semblent, majoritairement, manquer encore de vision stratégique pour le sport électronique.

Certes toujours marginal face au marché global du jeu vidéo et ses 130 milliards de dollars de revenus prévus pour 2018, le eSport affiche une rapide progression et devrait passer le milliard de dollars de chiffre d’affaires cette année, sans que les éditeurs n’aient jusqu’ici joué un rôle central dans son développement.

« Le eSport est un créneau où l’on a vu beaucoup de nouveaux entrants, les acteurs traditionnels se positionnent dans un second temps. Les éditeurs sont ainsi assez peu présents, le seul qui a intégré réellement l’eSport dans sa stratégie industrielle, c’est Activision-Blizzard », détaille Laurent Michaud, directeur d’études pour le centre de réflexion Idate. L’éditeur américain a en effet mis en place sa propre ligue fermée pour l’un de ses jeux, Overwatch (également un jeu de tir à la première personne), avec une licence achetée par les équipes souhaitant y participer.

D’autres éditeurs, comme l’américain Valve, ont su surfer sur le fait que la communauté eSport se soit emparée de certains de ses titres comme Dota 2 ou Counter Strike : Global Offensive (CS:GO) pour en faire des références dans le milieu, sans pour autant prendre en charge l’organisation des compétitions.

Marketing viral

« Le eSport est un parfait exemple de marketing viral : les éditeurs doivent travailler avec les communautés pour créer une envie de compétition et se faire une place dans l’esprit des joueurs », considère Vincent Chaudel, spécialiste de l’économie du eSport au cabinet Wavestone. Une démarche longue et qui peut demander un niveau élevé d’investissement pour les éditeurs, sans offrir de retour rapide, mais qui reste un passage obligé s’ils veulent espérer à terme y générer des revenus substantiels. La concurrence est toutefois acharnée, avec 280 jeux sur lesquels s’organisent désormais des compétitions contre 180 en 2017, selon l’Idate.

« Il y a une forte concurrence de l’offre. Mais plusieurs titres peuvent coexister par catégorie, cela dépendra de la capacité des éditeurs à faire la différence en maximisant le ressenti de compétition pour les joueurs. Et de proposer des variantes qui leur offrent un intérêt différent », prévoit Laurent Michaud. Une donnée intégrée par Ubisoft : « notre jeu évolue avec de nouveaux contenus tous les trois mois » afin de maintenir l’intérêt des joueurs sur le long terme, souligne François-Xavier Deniele.

Le Quotidien/AFP