Camisoles, douches froides et chambres capitonnées: ces clichés sur l’univers psychiatrique sont encore solidement ancrés dans l’imaginaire collectif. A l’occasion des Journées du patrimoine, l’hôpital Sainte-Anne, établissement phare de l’histoire de la psychiatrie, veut faire voler en éclat ces idées reçues.
L’hôpital parisien, qui fête ses 150 ans cette année, proposera samedi et dimanche une exposition du photographe franco-iranien Reza, des visites commentées, une conférence sur la prise en charge des troubles mentaux de l’enfant et une rencontre avec l’historien Stéphane Henry, co-auteur d’un livre qui retrace l’évolution de l’établissement. Autant d’occasions d’attirer les Parisiens dans ses murs et de lutter contre la stigmatisation des maladies psychiatriques, qui freine encore trop souvent la consultation et la prise en charge.
« Il y a 150 ans on passait sa vie entière à l’hôpital » psychiatrique, alors qu’aujourd’hui on cherche à ce que les patients en « sortent le plus vite possible », déclare à l’AFP le Dr Alain Mercuel, président de la commission médicale de l’établissement. Sur les 34.500 patients reçus chaque année dans ce complexe de 13 hectares, 97,5% sont suivis sans hospitalisation, et pour ceux qui doivent être hospitalisés, la durée de séjour est de 30 jours, contre 50 au niveau national. Une philosophie dans la droite ligne du rôle pionnier de l’établissement, qui devenait dès 1922 le premier hôpital psychiatrique « libre », c’est-à-dire où les patients peuvent aller et venir, comme dans n’importe quel hôpital.
Les malades mentaux sont plus agressés que la moyenne
Un parti pris difficile à tenir quand chaque fait divers impliquant un « déséquilibré » déclenche polémiques et interrogations sur le fait qu’il n’était pas « enfermé »? « Tout notre travail c’est de prouver l’inverse. De rappeler que les malades mentaux sont plus agressés que la moyenne », souligne le psychiatre. Certes il y a une dimension d' »imprévisibilité » dans le comportement de certains patients, mais on a fait de « gros progrès en matière de prévention, d’atténuation des rechutes », argumente-t-il.
A partir des années 1950, l’apparition des neuroleptiques, puis des anti-dépresseurs, a constitué une révolution, parallèlement au développement des thérapies comportementales: d' »incurable », le malade mental devenait un patient, à qui on pouvait proposer des soins. L’objectif est maintenant d’en faire « un soin comme un autre », quand une personne sur quatre fait l’expérience d’une souffrance psychique dans sa vie. Alors que le nom de l’hôpital est depuis longtemps entré dans le langage courant, il faut « qu’on ne soit plus gêné de dire +Je sors de Sainte-Anne+ », plaide son directeur, Jean-Luc Chassaniol. Déstigmatiser les soins psychiatriques, mais aussi les relier le plus possible à la médecine de ville et aux services sociaux, impliquer les patients et leur entourage ou encore tirer pleinement parti des nouvelles technologies: tels sont quelques-uns des chantiers entrepris au cours des dernières années, énumère le Dr Mercuel.
Sainte-Anne a ainsi été le premier hôpital psychiatrique à mettre en place une maison des usagers, en 2003, et l’établissement multiplie les ponts entre psychiatrie et neurologie, avec notamment l’ouverture l’an dernier du Centre de recherche en Psychiatrie et Neurosciences. Loin de la ferme où venaient travailler les « aliénés » des hôpitaux voisins, avant que Sainte-Anne n’accueille ses propres patients, ses dirigeants veulent aussi le faire entrer dans l’ère du numérique. « Il n’y a pas de raison d’exclure la santé mentale de la e-santé », juge Jean-Luc Chassaniol. Après les téléconsultations pour les enfants autistes, expérimentées depuis 18 mois, le directeur entend développer la prise de rendez-vous sur internet, le recours à des avis d’experts à distance, mais aussi une application mobile destinée à aider les patients souffrant d’addictions à gérer les phases d’envies intenses (« craving »).
Le Quotidien / AFP
Programme des Journées du Patrimoine à Sainte-Anne