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[Musique] Le grand show d’Edsun


Edsun sera à la Rockhal, ce vendredi à 20 h. (Photo : steven marques)

Intrigant, unique et hors cadre, Edsun est un artiste total, à la fois danseur et musicien aux élans R’n’B et pop. Après une année de résidence à la Rockhal, il fait un pas en avant avec un spectacle XXL qui devrait le rendre encore plus incontournable.

Edsun (Edson Pires Domingos de son vrai nom) ne rentre dans aucune case, sûrement parce qu’elles sont trop étroites pour ses envies et ses ambitions. Né à Luxembourg, d’origine capverdienne, le garçon est l’une des belles promesses au pays, statut confirmé en 2018 par ses prix obtenus lors des premiers Luxembourg Music Awards. Après deux EPs de belle facture, il continue sur cette voie singulière qui le voit combiner, avec le même naturel, musique, danse et performance.

À défaut de «vrai» disque à proposer (et ce, malgré de nombreux singles), Edsun s’affranchit par la scène, dès vendredi, où il dévoile un show «à grande échelle» construit lors d’une résidence entamée en juillet 2021 (dans le cadre du programme Neistart) au Rocklab. Accompagné de trois danseurs et de trois musiciens, il compte marquer les esprits et poser les bases d’une évolution qu’il espère florissante. Rencontre avec un artiste total qui a combattu ses démons et ses craintes pour vivre la musique pleinement, sans retenue.

Dans quel état sort-on d’un an de résidence?

Edsun : J’ai clairement besoin de repos, de yoga et de stretching! Mon corps le réclame (il rit). Une résidence, c’est quelque chose d’intense. Quand on répète, par exemple, c’est du matin au soir. Mentalement, c’est aussi épuisant. C’est une approche nouvelle, où l’on apprend en permanence. Surtout qu’au bout, on a envie de faire quelque chose de bien, de ne pas décevoir. Les doutes sont là, mais à un moment donné, il faut se lancer!

J’ai grandi avec le R’n’B et la pop façon MTV. Le divertissement, ça me parle et m’attire!

Le grand rendez-vous, c’est vendredi. Stressé?

Oui, la nervosité est présente. J’ai dans ma tête une petite voix qui dit : « Une petite semaine de plus, ça serait pas mal, non? ». Mais si l’on s’écoute, il y a toujours des choses à améliorer, à peaufiner. En même temps, j’ai vraiment envie de passer à autre chose. J’en ai juste marre d’attendre!

La Rockhal définit cette résidence comme un « accélérateur de la création« . Qu’en pensez-vous?

C’est juste. Déjà, à travers les intervenants et cette intensité à la tâche, on progresse, c’est certain. Ensuite, on travaille sur quelque chose de durable, de modulable. On a entre les mains un produit fini, flexible, qui permet par la suite de se concentrer sur d’autres activités. En ce sens, ça permet aussi d’avancer plus vite.

Concrètement, comment cela s’est passé?

Pour la première fois, j’ai travaillé avec un directeur musical, qui m’a notamment aidé à transformer mes chansons pour le live, à un niveau jamais atteint auparavant. Après sont arrivés les musiciens, puis les danseurs, accompagnés d’une chorégraphe. Il y a eu aussi du « vocal coaching », des conseils techniques et scéniques – un œil externe qui permet de sortir de sa bulle –, des moments pour le maquillage, les costumes… C’est un grand tout! Sans oublier les nombreuses réunions de « brainstorming » (il rit). Une résidence, il ne faut pas l’oublier, c’est un moment de recherche, et où l’on doit se sentir libre de le faire.

On parle ici de spectacle « à grande échelle« . Peut-on en savoir plus?

C’est un terme qui me va! On a travaillé dans un esprit de groupe, à sept sur scène et avec d’autres personnes en coulisses. Tout ce collectif a aidé à pousser le show à un autre niveau. C’est certain, quand on travaille avec des gens d’expérience, qui connaissent bien le terrain, on ne peut que viser plus haut! C’est d’autant plus vrai quand on est au début de sa carrière. Bref, ce show, ça va être de l’action pure!

Justement, on parle plus de spectacle que de concert. Où se situe alors la nuance? 

C’est un spectacle, car j’utilise tous mes moyens d’expression, que j’articule ensemble pour ne faire qu’un. Et c’est aussi une façon de ne pas définir mon travail, ma personnalité : je suis un artiste, et pas seulement un chanteur, un musicien ou un danseur. Je n’ai pas envie de choisir. Et ça n’arrivera pas!

Vous citez Beyoncé, Janelle Monáe ou SZA comme référence. Votre show s’articulera-t-il autour de ces modèles pop?

J’ai grandi avec le R’n’B et la pop façon MTV. Le divertissement, ça me parle et m’attire. Mais j’aime aussi les choses plus intimistes, avec du ressenti. Michael Jackson et Prince, par exemple, étaient capables des deux : laisser parler les émotions et en mettre plein la vue. Je me situe dans cet équilibre, celui entre la performance « in your face » et des moments plus tranquilles.

Quand on est un artiste « multiforme«  comme vous, est-ce difficile d’avancer en même temps sur plusieurs tableaux? 

C’est plus compliqué, oui, surtout quand on aime maîtriser et s’investir sans retenue, sans privilégier l’une ou l’autre pratique. Il faut passer de la musique à la danse ou à la scénographie avec le même sens de l’investissement. C’est dense… Pour un chanteur avec sa guitare, c’est sûrement moins de stress (il rit). Moi, je n’en joue pas, mais parfois, je me demande pourquoi j’en fais tellement.

Y a-t-il une différence entre le Edsun d’avant la pandémie et celui d’aujourd’hui?

Clairement. Je me sens plus libre, plus confiant, plus ouvert. En 2018, j’avais déjà fait un pas en avant avec mon second EP (Your Are Not Just One Thing), où je me dévoilais plus, parlais de qui j’étais vraiment. Selon moi, le déclic est arrivé en 2020, à Berlin. Sur place, j’ai travaillé avec d’autres personnes, ce qui a changé ma façon de voir le métier. Avant, j’étais timide, réticent à partager mes chansons, sur le repli. Je n’osais pas! Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : j’aime collaborer, avoir des retours sur mon travail… Oui, je suis plus à l’aise dans mon art, dans mon corps, dans ma sexualité, face au regard des autres. La scène et les vidéos ont beaucoup joué dans cette émancipation : quand on fait un concert en robe, que l’on assume et que les gens ne jugent pas, ça enlève un sacré poids des épaules.

Votre dernier morceau, Focus, sorti en mars, est bien plus intense que les précédents, avec un son rarement aussi « punchy« . Est-ce la voie stylistique que vous prenez? 

Clairement. Déjà, je n’aime pas faire dans la réédition, mais plutôt expérimenter. Et là, j’avais besoin d’un son plus mordant, qui me permet, sur scène ou sur vidéo, d’être plus fun, plus naturel, plus libre. Bref, dans le moment, avec le public à mes côtés. Dans ma danse, jusqu’alors, j’étais plus retenu. Dans un sens, ce choix est cathartique : casser les réflexes et laisser le corps s’exprimer. D’ailleurs, les prochaines chansons seront de la même veine.

Justement, depuis trois ans, vous avez sorti une dizaine de singles. Pourquoi ne pas les avoir réunis dans un album?

(Il sourit) Pour moi, un premier disque, c’est quelque chose de symbolique, de spécial. Je dois être prêt.

Ce n’est pas le cas?

(Il hésite) Si, mais je ne veux pas en dire plus. Jusqu’à l’instant, disons que ma petite carrière était une forme de préparation. Je devais me connaître moi-même et me trouver aussi musicalement. J’avais des choses à régler émotionnellement. Les derniers singles montrent que j’ai trouvé une voie qui me correspond bien. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il va y avoir beaucoup de musique en 2022. Sous quel format? Mystère…

Quand on fait un concert en robe, que l’on assume et que les gens ne jugent pas, ça enlève un sacré poids des épaules

De quelle carrière rêvez-vous?

Je rêve d’une belle carrière, de grandes scènes, genre Arena ou Zenith, de faire et sortir de la musique tout le temps. Je me vois créer de plus en plus, échanger avec plein de gens pour continuer à grandir et apprendre.

Vous dites que ce concert à venir est « un voyage d’amour, de sexe, de peur, de joie de vivre et de pardon pour tous ceux qui se sont sentis différents, marginalisés et privés de leurs droits« . Où en êtes-vous de ce combat? 

Il est loin d’être gagné! Dans la vie de tous les jours, pour ceux notamment de la communauté LGBTQ, il y a des moments où l’on se sent à la marge. Si on veut embrasser son partenaire en pleine rue, les yeux qui regardent nous disent que l’on n’est pas dans la norme. Le frein est là et confirme le sentiment que tout ça n’est pas « normal ». Idéalement, il faudrait entamer la discussion autour du sujet dès l’école primaire, montrer aux jeunes enfants qu’être homosexuel ou bisexuel, ça n’a rien d’étrange. Pédagogiquement, c’est un travail complexe, mais il n‘a rien d’impossible. Ça évolue, certes, mais pas encore assez vite. Il y a toujours des pointages de doigts et beaucoup de questions.

«Edsun Show» Rockhal – Esch-Belval. Vendredi à 20 h.
Support : Yaneek