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Rockhal : retour sur 10 ans de sons et d’anecdotes


Kiss en concert à la Rockhal, en 2008. (photo Claude Piscitelli)

La Rockhal, cathédrale d’acier et de béton, est sortie de terre en 2005, au milieu des friches industrielles de Belval. Dix ans plus tard, alors que son anniversaire est fêté ce vendredi soir, ses représentants, Frédérique Theisen, Thomas Roscheck, Olivier Toth et Samuel Reinard, ressortent leurs meilleurs souvenirs et anecdotes.

Parmi les artistes et groupes passés ces dix dernières années par la Rockhal, certains, par leur régularité ou leur statut, ne passent pas inaperçus. Le Quotidien s’est donc renseigné sur ces cas à part.

Le Quotidien : Prodigy est le premier groupe à avoir joué à la Rockhal. Est-ce une déception de fêter l’anniversaire demain sans eux?

Olivier Toth : Non, pas une déception. Ils sont déjà venus en 2005 et en 2009, et c’est bien qu’ils figurent dans la programmation de cette année anniversaire, tout comme Korn l’a été d’ailleurs, en février dernier. Ils viennent dans un mois (NDLR : le 17 novembre), ce qui est un délai assez court. Le public saura attendre (rire) .

Parlons de Korn, justement. Il est venu six fois – un record – sans oublier le concert de son chanteur, Jonathan Davis. À chaque fois que vous vous voyez, lui réservez-vous un accueil particulier?

Olivier Toth : On essaye en tout de se voir, de se dire bonjour, et de papoter si on a le temps. Mais plus que ça, non. Mais c’est vrai qu’au fur et à mesure que Korn vient à Belval, il y a une petite relation qui se crée.

Ça fait quoi d’accueillir une légende?

Olivier Toth : C’est extraordinaire, même si, parallèlement, ça peut être très décevant.

Thomas Roscheck : D’autant plus vrai qu’ils sont très nombreux à faire régulièrement leur retour!

Samuel Reinard : Oui, ils ont tous besoin d’une nouvelle piscine! (rire)

T.  R. : Mais, pour revenir à la question, les plus grandes légendes ne se considèrent pas comme telles. Elles le sont dans le regard des gens, mais elles restent très simples.

O.  T.  : Elles restent très abordables et sont celles qui communiquent le plus avec leur public. Leur côté humble est épatant, totalement bluffant. Toutes celles que j’ai eu le privilège de rencontrer sont comme ça. Elles n’ont rien à prouver.

F.  T.  : Sting débarque en tee-shirt et en jean. Sympathique. Sans flonflon.

O.  T.  : Dans le même sens, Mark Knopfler (Dire Straits) condamne cet aspect « star ». Son seul but est de jouer sa musique le mieux possible. Neil Young, pareil. Il est venu à la Rockhal durant deux jours, pour répéter. Tranquille… Pour Bob Dylan, la première fois, les gens sont venus voir une légende et sont sortis en disant : « Mais il ne sait pas chanter »… Pardon, mais ça a toujours été le cas, non? Il n’y a que ceux qui arrivent à voir l’artiste plus loin que ce statut qui l’apprécient à sa juste valeur.

Sting, le 12 mars 2012. (photo Claude Piscitelli)

Sting, le 12 mars 2012. (photo Claude Piscitelli)

Vous avez réuni le même soir Patti Smith et The Gossip. Sa chanteuse Beth Ditto, après avoir fini son set, s’est rendue alors au concert de la « marraine » du punk pour y écouter les dernières chansons. C’est plutôt rare, ça, non?

O.  T.  : Ça, c’est le style de choses surréelles qui peuvent se passer ici!

T.  R.  : On avait eu la même histoire, en 2010, avec le groupe Beatsteaks, qui espérait voir les deux-trois premières chansons de Them Crooked Vultures, programmé dans la grande salle. En vain.

Depeche Mode choisit la Rockhal pour lancer sa tournée mondiale en 2009. Est-ce le plus beau coup marketing des dix ans?

O.  T.  : Oui. Il y a eu un avant et un après. Pendant deux mois, on était sur la page d’accueil de leur site. On s’est même fait pas mal d’ennemis parmi les concurrents qui cherchaient à remplir leur salle, alors que la nôtre était pleine en deux minutes. On a eu des fans « dévoués » qui sont venus du monde entier, même des Japonais! Ce sont même des techniciens d’ici qui ont travaillé sur leur nouvelle scène.

T.  R.  : Notre réputation internationale a changé à partir de ce moment-là.

Prince est-il si perfectionniste qu’on le dit?

O.  T.  : Pire encore! (rire) On a déjà évoqué son contrat, épais comme la Bible, de son côté imprévisible… C’est quelqu’un d’ultraprofessionnel qui gère tout, comme la balance des sons, qu’il adapte à sa mesure après le travail de son technicien du son. Et après chaque concert, qu’il filme, il retravaille avec son groupe d’après les images et ce qu’il compte corriger pour les autres shows, et ce, dans les loges! Incroyable…

S.  M.  : Dès le premier morceau, il sautait de droite à gauche sur la scène pour affiner le son, en montrant par des gestes ce qu’il fallait faire… tout en jouant un solo.

Prince (photo AFP).

Prince (photo AFP).

Tokio Hotel reviendra-t-il un jour?

(Rire généralisé) T.  R. : On ne sait pas où ils en sont.

O.  T.  : Ce n’est pas un mauvais groupe, attention, mais ils se sont déconnectés de leurs fans. N’oublions pas que dans le style, la concurrence est rude. Et tout va très vite aujourd’hui.

Marilyn Manson, il est comment sans maquillage?

S.  R.  : On ne l’a pas reconnu!

O.  T.  : Plus sérieusement, c’est quelqu’un qui est à des années-lumière de l’image véhiculée par les médias. Une certitude  : avec Rob Zombie, avec qui il a partagé la tournée, ce n’est pas vraiment des amis. À la Rockhal, ils n’ont pas arrêté de se prendre la tête.

Le meilleur concert ?

(D’une même voix) Daft Punk!

Frédérique Theisen : C’est la meilleure ambiance que l’on ait eue dans la grande salle. La musique, la scène, avec cette immense pyramide érigée… Tout fusionnait. C’était impeccable!

Thomas Roscheck : D’autant plus que c’était mon premier concert ici…

Olivier Toth : (Il souffle) C’est vrai que c’était génial, un moment très fort, mais je pourrais citer bien d’autres concerts. Au niveau ambiance, Prodigy, en 2009, était aussi quelque chose. J’étais sur la passerelle qui surplombe la salle et j’avais l’impression de voir un champ de bataille. On était en novembre et l’humidité commençait à goutteler du plafond. Ça bouillonnait! Les venues de Depeche Mode, REM, Neil Young, Lenny Kravitz, Stevie Wonder – qui a fait chanter le public du début à la fin du concert –, mais aussi le côté surréel de Prince, la belle découverte de Chilly Gonzales, en robe de chambre sur scène… Que des moments forts! Et je pourrais continuer comme cela des heures.

Samuel Reinard : Moi, je suis plus fan des ambiances intimistes et des petites scènes. Je dirais alors Apparat, deadmau5 et, dans cette même veine électronique pointue, Mouse on Mars.

Grégory Cimatti

Les concerts les plus complexes

Thomas Roscheck : Prince, bien sûr. On se dit, des jours avant sa venue, « ne pas faire de faute, ne pas faire de faute »…

Olivier Toth : Il faut dire qu’il s’en prémunit. Son contrat est composé de trois tomes, de quarante pages chacun. À respecter à la lettre bien sûr, et il s’en assure, croyez-moi.

T. R. : Mais au final, il est très cool. Juste… imprévisible.

O. T. : Oui, le soir-là, on avait du retard, car, déjà, il s’est assuré lui-même que le « soundcheck » (NDLR : les balances et la sonorisation globale) était à la hauteur. Ensuite, parce qu’il a voulu, à un moment, s’échauffer les doigts en se mettant au piano. Dehors, ça commençait à râler. Je vais alors voir son manager pour lui dire qu’on doit absolument ouvrir les portes. Il passe le message à Prince qui lui souffle : « Eh bien, allez-y! », tout en continuant à jouer. Les premières personnes qui se sont ruées dans la salle ont donc eu droit à un bel accueil…

Frédérique Theisen : Et ils ne s’en sont pas tout de suite rendu compte!

O. T. : C’est vrai, mais une fois installés, certains n’en revenaient pas. (Il prend alors un fort accent luxembourgeois) « Dat ass den Prince! » (« Mais, c’est Prince! »)

F. T. : Pour Skunk Anansie, on a aussi galéré. La chanteuse, Skin, s’était retrouvée seule en Allemagne, parce que son vol avait été annulé. On est allés la chercher à Francfort, on est arrivés à la Rockhal, elle est sortie du van… et est directement montée sur scène. Et le public n’y a vu que du feu!

Les plus professionnels

slash

Slash à la Rockhal, le 17 juin 2015. (photo C.Piscitelli)

Thomas Roscheck : Indéniablement, Slash! Pourtant, j’avais lu sa biographie et je me suis dit  : « Ouh là là, ça va être costaud! » Eh ben non, tout le contraire  : un mec sympa qui bosse dès qu’il arrive, rencontre les fans, fait des interviews. Chapeau bas, comme on dit. J’ai vu, à cette occasion, toute la différence qu’il y a dans l’appellation « Guns N’ Roses »…

Olivier Toth : Il y a Kiss aussi qui est une machine rodée. Ça me fait penser à cette histoire rigolote, le jour où je vais les chercher sur le tarmac à l’aéroport. Je suis dans la partie réservée au VIP, ils débarquent en jet privé. Là, il y a le bassiste et fondateur du groupe, Gene Simmons, qui descend de l’avion. Il est grand, très grand. Et il lâche, de sa voix grave  : « Hum, c’est donc ça, le Lux! » Correction de son « tour manager »  : « Non, on dit le Luxembourg. » Et il lui répond  : « Ouais, mais Lux, c’est plus cool! » (Il rit)

T.  R.  : Et c’est le même genre de gars qui est maquillé et en costume à 15  h en plein mois de juin, alors que c’est le four à l’intérieur, qui passe tout l’après-midi à répondre aux sollicitations et qui reste trois heures sur scène le soir. Respect.