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Retrogaming : gros pixels et sons acidulés (Vidéo)


Ils vouent un culte aux gros pixels et aux sons acidulés : en France, des milliers d’adeptes de jeux vidéo épris de nostalgie n’hésitent pas à bouder les consoles dernier cri pour rejouer aux vieux « Pac-Man » et « Tetris ».

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Une petite partie de « Pac-Panic » sur Sega Megadrive ? Pas de panique, vous n’êtes pas revenu en 1993, mais le retrogaming est à la mode. (Photos : AFP)

En France, plusieurs centaines de milliers de personnes s’adonneraient occasionnellement aux jeux vidéo des années 1970 à 1990, selon Sébastien Genvo, un professeur des universités de Metz qui a créé un laboratoire de recherche en France dédié aux jeux vidéo.

Expositions, salons ou tournois… Comme en Grande-Bretagne et en Allemagne, les initiatives se multiplient en France, notamment du côté des associations, pour conserver ce « patrimoine ludique ». À Strasbourg, quelque cinq cents personnes sont venues s’essayer en novembre, le temps d’une soirée, à Mario Kart et Street Fighter II, deux classiques du jeu de course et du jeu de combat sortis il y a plus de vingt ans. La soirée était organisée à l’initiative d’une école de programmation de jeux vidéo qui possède en fonds propres une collection de 8 000 références.

« Il est vrai que tout ce qui est rétro marche beaucoup. Les gens viennent retrouver des émotions et des souvenirs d’enfance », observe Mathieu Bernhardt, un des responsables de cette école, la Ludus Académie. À Noël dernier, une toute nouvelle console – la Retron 5 – compatible avec cinq anciennes consoles a d’ailleurs tenu la vedette dans les magasins spécialisés.

Le « rétro vidéo ludisme » de l’anglais retrogaming s’inscrit dans cette tendance particulièrement vivace sur la toile lancée par des passionnés comme « Le joueur du grenier » alias le Français Frédéric Molas, qui diffuse sur Youtube un journal humoristique consacré aux anciens jeux.

Son dernier épisode publié en janvier a été vu 1,7 million de fois en deux semaines. Pour le chercheur Sébastien Genvo, il existe dans l’Hexagone « une culture ludique qui fait partie des pratiques de loisirs » de ces Français qui, dans les années 1980, se rendaient dans les salles de jeux d’arcade aujourd’hui disparues.

Le phénomène touche toutes ces générations de quarantenaires et quinquagénaires qui ont grandi avec des ordinateurs Macintosh, ZX spectrum, Amstrad, Atari, Commodore ou Thomson et « même les générations qui ne sont pas nées à l’époque où sont sortis ces jeux », observe l’universitaire.

> Dans toutes les bonnes bibliothèques

« Cela montre que le jeu vidéo n’est pas uniquement une économie » mais témoigne d’un public de passionnés qui cherchent à « comprendre ce qui a fait, à une époque, d’un jeu une œuvre classique », juge Sébastien Genvo.

Aujourd’hui, les jeux vidéo font une entrée remarquée dans les bibliothèques. Après la BNF, des dizaines de médiathèques ont aussi sauté le pas.

Depuis 2013, la médiathèque d’Illkirch-Graffenstaden près de Strasbourg a décidé de mettre en avant « le retrogaming, le pixel art et les arts visuels en général », explique Thibaut Brix, un responsable. Il y a organisé en décembre une séance de retrogaming pour rejouer aux premières consoles 3D des années 1996-2000, Nintendo 64, Gamecube et Playstation 1. « Les jeux vidéo font partie intégrante de la culture. Ils ont leur place au même titre que le disque ou la BD, qui, elle aussi, a longtemps été mal vue », estime Thibaut Brix.

La bibliothèque, qui dispose d’une centaine de titres, peine toutefois à investir à cause de l’envolée des prix des machines et des jeux devenus rares. À tel point qu’en 2013, lors d’une vente aux enchères à Paris, l’une des pièces proposées – un GoldenEye 007 sorti en 1997 sur Nintendo 64, encore dans son emballage d’origine – s’est arrachée à 9 800 euros.

Nintendo et Sony proposent déjà depuis plusieurs années des adaptations des titres les plus emblématiques comme Zelda, The Secret of Monkey Island ou Donkey Kong, pour consoles actuelles.

Mais comme le souligne Thibaut Brix, la plupart des personnes font du retrogaming sans en avoir conscience : le Tetris du Russe Alekseï Pajitnov (1984) reste en effet l’un des jeux les plus téléchargés sur smartphone.

Le Quotidien/AFP