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« Retour à Forbach » : entre intime et politique, Régis Sauder sur les traces de son enfance


Ici plus qu'ailleurs, on connaît la fermeture des boutiques et la concentration de la pauvreté. (capture vidéo YouTube)

Dans « Retour à Forbach », en salles mercredi, le réalisateur Régis Sauder revient sur les terres mosellanes de son enfance : à quelques jours de la présidentielle, il livre un documentaire intime mais aussi politique cherchant à comprendre la montée du vote FN dans la ville.

Victime du « déterminisme social », l’ancienne cité houillère de Forbach n’est pas épargnée par le chômage. Ici plus qu’ailleurs, on connaît la fermeture des boutiques et la concentration de la pauvreté. Certains de ses habitants confient leur « honte »… Le réalisateur fait le portrait, empreint de mélancolie, de cette ville qu’il connaît si bien. Régis Sauder emmène le spectateur sur les terres de son enfance, dans la maison de ses parents. Le mode de narration -à la première personne- tranche sur celui, collectif, choisi pour un ses films précédents. Dans Nous, Princesses de Clèves (2011), salué par la critique, des lycéens marseillais défavorisés s’appropriaient le texte de Mme de La Fayette.

Beaucoup plus personnel, le nouveau documentaire de Régis Sauder prend aussi rapidement un tour politique. A une scène évoquant le cambriolage de la maison familiale succède ainsi rapidement le dépouillement du scrutin européen de 2014, qui avait placé le Front national largement en tête. « Le film évidemment trouve un écho aujourd’hui. Moi j’avais envie qu’il puisse animer le débat : ce ne sont pas les films qui changent les choses, mais ils ouvrent la réflexion », confesse le réalisateur âgé de 41 ans.

Pas un « film militant »

Régis Sauder envisageait depuis une dizaine d’années de faire un film autobiographique. Le déclic s’est produit en 2014 avec l’élection de Florian Philippot (vice-président du Front National) comme conseiller municipal de la ville. Le documentaire, rythmé par les saisons, s’étend sur trois ans de tournage malgré un budget modeste.

Le réalisateur présente, sur une bande-son très rock, quelques personnalités de sa ville, telle Doris, la patronne du bar, véritable « coryphée (chef de chœur dans les tragédies grecques, NDLR) et voix de la ville ». De la directrice d’école quelque peu dépassée face à la précarité de ses élèves à l’ouvrier ancien camarade de classe, Retour à Forbach offre, en moins d’une heure et demie, un panorama complet d’une France oubliée. Le réalisateur se défend d’avoir fait un « film militant ». En donnant la parole aux habitants de toutes sensibilités politiques, souvent des personnes qu’il fréquentait pendant son enfance, il permet au spectateur de comprendre leurs peurs, leurs attentes, leur vote. Leurs situations particulières peuvent parler pour bien d’autres. « Je crois que l’intime est politique, dit-il, en faisant le récit de l’intime, on peut accueillir le récit des autres et toucher des gens. L’action se situe à Forbach mais c’est une ville très représentative de ce qui se passe en France : le film raconte un truc de notre temps ».

Le Quotidien/AFP