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Restaurants éphémères : une nouvelle façon de déguster


La Franco-Portugaise Louise Bourrat chez Ladurée. (photo DR)

Les anciennes stars de Top Chef y succombent comme les grandes marques gastronomiques : les restaurants éphémères, plus flexibles et à moindre coût, se multiplient partout en France. Tour de tables.

Fruits de partenariats entre marques et stars de la gastronomie ou encore expériences audacieuses sans grande prise de risque commerciale, les restaurants éphémères pullulent en France, dans des lieux de carte postale, pour des clients en quête de nouveautés. Ainsi à Reims, en mai dernier, le Belge Mallory Gabsi, une étoile et «jeune chef de l’année» du Michelin, et le Letton Raimonds Tomsons, meilleur sommelier du monde 2023, ont inauguré auprès de la maison de champagne Mumm «La Table des chefs», dont les chefs vont tourner tous les trois mois.

Dans les salons de Mumm, qui a accompagné des repas au palais de Buckingham ou à Cannes, le premier sert l’anguille au vert, «plat des pauvres» dont l’ortie est le principal ingrédient de la sauce, ou un hachis à la joue de bœuf dans lequel il met, comme sa grand-mère, une tartine de pain d’épices pour lier la sauce. «On s’amuse !», affirme Mallory Gabsi, qui a son restaurant à Paris mais aime être «bien entouré» et avoir «l’esprit libre». «C’est comme ça que la gastronomie doit fonctionner aujourd’hui», avec «une petite touche de jeunesse et de folie», ajoute le chef.

Hugo Desnoyer, boucher star de Paris, va lui à contre-courant des tendances (moins de viande et d’alcool) en proposant à sa Table un accord tartare de veau-Hennessy. «En France, le cognac est un peu has been mais j’étais moi-même surpris de l’association», dit-il. «C’est une nouvelle façon de consommer la gastronomie à l’époque où l’on ne possède plus de voiture mais on a Uber, où on n’a plus de disques mais on a Spotify… C’est plus libre et plus excitant», analyse Victoire Loup, consultante culinaire.

Des anciens de l’émission Top Chef

Selon Bernard Boutboul de Gira Conseil, spécialisé dans le domaine de la restauration, le «gros avantage» de ces projets est de «tester sans trop d’investissements». «C’est hyper-rentable, on ne paie qu’un loyer et on choisit des endroits où il n’y a pas besoin de mettre un coup de peinture.» Burrata au maad (NDLR : un fruit tropical), ravioli à la patate douce, arancini-harissa… À la pizzeria parisienne Daroco, le Mali a rencontré l’Italie le temps de trois dîners uniquement. Une manière de s’émanciper de «l’univers fermé d’un restaurant pur et dur», explique le chef volant Diadié Diombana. «La clientèle parisienne veut être étonnée dans des endroits de plus en plus beaux, de plus en plus fous», estime Alexandre Giesbert, cofondateur de Daroco.

Plusieurs projets éphémères sont animés par des personnalités médiatiques, dont des anciens de l’émission Top Chef. «Ça fait du buzz» et «c’est très nouveau» en termes de communication, estime Bernard Boutboul. «Avant, on faisait de la publicité.» La Franco-Portugaise Louise Bourrat, gagnante de la dernière saison, apporte ainsi une touche «rock» avec ses dîners éphémères à la boutique historique de Ladurée à Paris. «Pour le canard, on fait couler du ketchup d’hibiscus sur l’assiette comme une tache de sang, façon street art», raconte-t-elle.

Mode et cuisine

Guillaume Sanchez, qui a participé à l’émission en 2017 et aime «s’exprimer autrement» que dans son restaurant étoilé Neso, a signé une carte «ultra-brute» au Perchoir Y à Meudon (ouest de Paris), dans un parc au bord de l’eau réuni à un ancien hangar à dirigeables transformé en musée. Dans les jardins du musée Carnavalet consacré à l’histoire de Paris, Julien Dumas, une étoile Michelin, succède à Thibaut Spiwack, lui aussi ex-Top Chef et nouvel étoilé 2023. Le lieu «prend de plus en plus importance quand c’est décalé, original, improbable», souligne Bernard Boutboul.

Avant d’élaborer les cocktails des Petites mains, restaurant du palais Galliera, le mixologue Sébastien Foulard a, lui, visité les expositions du musée parisien de la mode et s’est demandé «quel goût pouvaient avoir ces robes». «Un lieu avec un ADN pousse à faire des choses auxquelles je ne réfléchirais pas dans mon propre bar», explique-t-il. «Jean Paul», au pastis, évoque par exemple le Sud et la marinière, pièce fétiche de Gaultier, tandis que «Thierry», à la vodka et au charbon, rappelle l’obsession de Mugler pour le noir.