Jeff Buckley n’a sorti qu’un album de son vivant mais plusieurs disques posthumes ont contribué à façonner la légende du chanteur américain mort noyé accidentellement en 1997. Le nouveau You and I, attendu vendredi 11 mars, célèbre un exercice dans lequel il excellait: les reprises.
Qui était Jeff Buckley avant Grace, son album culte paru en 1994? Un disque dans lequel se déployait l’impressionnante voix, lyrique et romantique, du chanteur. Disparu dans les eaux du Mississippi à l’âge de 30 ans, il était en train d’enregistrer son deuxième album, sorti un an après sa mort.
You and I nous ramène à février 1993. Le chanteur, qui attire de plus en plus de monde dans les clubs de New York où il se produit, vient de signer un contrat chez Columbia. Mais le guitariste doué, capable de jouer et de chanter des styles musicaux très variés, n’a pas encore d’idées arrêtées sur la couleur de son premier disque.
« Jeff était une personne tellement douée, avec une telle connaissance de l’histoire de la musique, de tous les musiques, du classique au punk en passant par les comédies musicales ou le blues. Il était très doué mais devait maintenant découvrir ce qu’il voulait faire », explique Steve Berkowitz, qui l’a chapeauté chez Columbia. « Vous ne faites votre premier album qu’une fois et je pense que l’un des problèmes pour lui était qu’il excellait dans tant de styles: il fallait choisir et éliminer des choses. »
Pour trouver sa voie, sa maison de disques lui propose alors de passer trois jours dans un studio new-yorkais avec l’ingénieur du son Steve Addabbo, qui avait notamment collaboré avec Suzanne Vega. Venu avec sa guitare et son harmonium, Jeff Buckley y joue ses compositions mais surtout beaucoup de reprises, comme il avait l’habitude de le faire en concert.
Des ballades, mais aussi du blues et de la soul
Huit des dix chansons de l’album You & I sont ainsi des reprises, provenant pour la quasi-totalité de ces trois jours en studio, à l’exception de deux d’entre elles provenant de sessions ultérieures à l’automne 1993. Certaines de ces reprises, comme Just Like A Woman de Bob Dylan, Calling You de Jevetta Steele ou Night Flight des Led Zeppelin figurent déjà sur l’album live Live at Sin-é café (Legacy edition), paru en 2003.
D’autres étaient connues des fans grâce à des enregistrements non officiels mais apparaissent pour la première fois sur un album, dont I Know It’s Over du groupe britannique des Smiths. Si la voix de Jeff Buckley fait des merveilles sur les ballades, elle impressionne aussi sur les titres plus « musclés » de Sly and the Family Stone, Everyday people ou sur le blues traditionnel Poor Boy Long Way From Home.
Grâce à une oreille redoutable, Jeff Buckey était passé maître dans l’art de la reprise, rappelle le journaliste Stan Guesta, dans la biographie du chanteur parue en 2009 aux éditions Castor Astral. La maison de disques a également exhumé deux « originaux »: une version inédite de Grace et une ébauche d’une chanson baptisée Dream of You and I, sur laquelle Jeff Buckley joue une mélodie qu’il a entendue en rêve.
Steve Berkowitz n’aime pas trop qu’on l’interroge sur les morceaux encore gardés au chaud dans les archives, pour d’éventuels futurs albums posthumes. « Il y a bien sûr d’autres choses, mais la décision prise pour le moment est de sortir ces dix chansons qui sont magnifiques », rétorque le producteur artistique. « C’est amusant, on présente dix chansons qui n’ont jamais été entendues et la question c’est toujours: où est le reste? »
Le Quotidien/AFP