L’année 2023 semble sourire à Raphaël Quenard, vu comme la nouvelle pépite du cinéma français. Rencontre alors qu’il brille actuellement dans Cash, où il confirme tout son bagout.
Un rôle peut-il changer la vie d’un acteur ? «Changer la vie, je ne sais pas, mais c’est clair que ça bouge pour moi !», répond Raphaël Quenard, propulsé sur le devant de la scène, après des années à enchaîner les seconds rôles. Cheveux en bataille, sourire en coin : le trentenaire est à l’aise et met les autres à l’aise. Il serre la main à tous les journalistes qui attendent leur tour, avant de demander s’il peut fumer pendant l’entretien.
La rencontre se déroule dans les locaux parisiens de Netflix pour la promotion du film Cash, en ligne depuis le 6 juillet. Une histoire d’arnaque sur fond de lutte des classes à Chartres, où il tient le premier rôle aux côtés d’Agathe Rousselle, révélée dans Titane (Palme d’or à Cannes en 2021). Pour son réalisateur, Jérémie Rozan, ce choix a été «une évidence» malgré la faible notoriété de l’acteur. «Lors du casting, il s’est mis à raconter ses vacances. J’ai tout de suite su que c’était lui que je voulais !», raconte-t-il, louant un «grand acteur avec une gouaille sans pareille».
Phrasé saccadé et voix nasillarde
Un «grand acteur» qui n’en est qu’à ses débuts. Son premier rôle en tant que tête d’affiche, il l’a décroché «le couteau entre les dents» dans Chien de la casse (76 000 entrées en France), premier film de Jean-Baptiste Durand sur une amitié masculine toxique sorti mi-avril. «J’ai harcelé et envoyé une quantité astronomique de mails. Le réalisateur n’en pouvait plus à la fin !», relate avec humour l’acteur, qui y campait Mirales, personnage aussi enjoliveur que dominateur.
«C’est quelqu’un qui a une grande part d’ombre mais qui ne peut se résumer à ça», assure-t-il de son phrasé si singulier : saccadé et lent, le tout servi par une voix nasillarde. Presque au même moment sortait dans les salles Je verrai toujours vos visages (plus d’un million d’entrées) de Jeanne Henry. L’acteur, qui y incarnait pour le coup un frère incestueux, n’y jouait qu’un petit rôle mais dans une scène clé du film. «C’est encore un peu tôt pour le dire, mais je crois que c’est ce film qui m’a aidé à me faire connaître», dit-il.
Une association lui ouvre les portes
Depuis, «c’est vrai, il y a plus de propositions, beaucoup plus d’opportunités…», explique celui qui a été repéré en 2018 dans la série HP, avant d’enchaîner les tournages (Fragile, Coupez!, Fumer fait tousser, Novembre) dans des rôles mineurs. Né en 1991 dans la banlieue de Grenoble où il a grandi, l’acteur a eu plusieurs vies. Enfant, c’est d’abord footballeur qu’il s’imagine, puis militaire, avant de faire des études de chimie, notamment en Angleterre.
En rentrant en France, il opère un changement radical. Exit la chimie, place au métier de comédien. «C’est jouissif de se dire qu’on peut tout être : mécanicien, chimiste, professeur… Plus besoin de choisir !», plaisante-t-il entre deux bouffées de cigarette. Mais le chemin vers le 7e art a été long. C’est par l’association 1000 Visages, fondée par la réalisatrice Uda Benyamina (Divines), qu’il fait ses premières armes. Cette association aide à l’insertion de jeunes des quartiers prioritaires et des zones rurales dans le cinéma.
Pour un cinéma «populaire et exigeant»
«On se voyait trois fois par semaine. On travaillait des textes et on faisait des improvisations», se remémore-t-il. Une formation express qui lui permet d’avoir ses premiers rôles. «Avant ça, j’avais fait des courts métrages un peu underground. L’association m’a permis d’entrer en contact avec de jeunes réalisateurs et d’avoir mes premiers rôles rémunérés», loue-t-il.
S’il cumule les genres, celui qui est parfois comparé à l’acteur Patrick Dewaere (décédé en 1982) revendique son goût pour un «cinéma populaire et exigeant, trop souvent assimilé, à tort, à de la médiocrité». Le public le retrouvera à la fin du mois dans le film Sur la branche de Marie Garel-Weiss (La fête est finie). Il sera aussi au cœur de l’histoire de Yannick, le prochain film de Quentin Dupieux.
Cash, de Jérémie Rozan. Netflix.