Randy Rocha, danseur de 33 ans, a participé la semaine dernière au tournage ultraconfidentiel du clip de Stromae à Bruxelles. Il raconte cette expérience de l’intérieur. Du moins, ce qu’il a le droit de dévoiler…
Les 21 et 22 janvier, le parc du Cinquantenaire, à Bruxelles, était entouré de barrières et de bâches noires, surveillé ici et là par des policiers en faction. Quelques curieux, cherchant à découvrir ce qui se cachait derrière, étaient vite priés d’aller voir ailleurs.
Deux jours durant, le lieu abritait en effet le tournage du nouveau clip de Stromae qui, depuis son opération marketing sur le plateau du journal télévisé de TF1, ne cesse d’alimenter le buzz.
Retiré du circuit musical depuis 2015, le chanteur belge, dans une mise en scène habile, était venu parler de sa nouvelle chanson L’Enfer, de son burn-out et de sa renaissance à venir.
Son nouvel album, Multitude, l’un des plus attendus de l’année, doit d’ailleurs sortir le 4 mars. En attendant, il faut répondre à l’attente des fans. D’où ce clip entouré d’un épais secret, au point que l’on ne sait toujours pas quelle chanson il doit accompagner.
Tandis que seule la RTBF a eu le droit de poser brièvement sa caméra, plusieurs photographies ont cependant «fuité». Sur l’une d’entre elles, on aperçoit Stromae perché sur une estrade, tel un chef d’État, entouré de drapeaux et de militaires décorés.
Sur place, dans une folle agitation, quelque 500 figurants, danseurs et membres de l’équipe technique étaient présents. Dont le Luxembourgeois Randy Rocha. Déjà habitué au feu des projecteurs – il a participé aux émissions Deutschland sucht den Superstar, The Voice Belgique, sa version flamande (van Vlaanderen), The Masked Singer… – le danseur âgé de 33 ans (qui donne notamment des cours chez Helen’s Dance et au CEP de Strassen) raconte ce tournage depuis les coulisses, à demi-mot, car tenu par une clause de confidentialité.
Ce qui ne l’empêche pas d’évoquer son histoire avec Stromae, qui remonte à dix ans déjà, lors d’une soirée à Luxembourg. Entretien.
Comment vous êtes-vous retrouvé à danser dans ce clip ?
Randy Rocha : Dans ce milieu, ça fonctionne le plus souvent par le bouche-à-oreille. Dès qu’une audition se présente, les danseurs en parlent entre eux, la relayent par mail. Et après, c’est la guerre !
C’est-à-dire ?
Il arrive souvent que l’on se retrouve à 500 pour une audition où seulement une dizaine de danseurs sont retenus. Même si on s’entraide, que l’on voyage ensemble, au final, c’est compliqué. Mais avec le temps et les opportunités qui se font de plus en plus rares, on apprend à ne pas être difficile.
Aujourd’hui, si vous avez trouvé un plan, c’est de la chance. Sinon, tant pis… Moi-même, depuis la crise sanitaire, j’ai repris mes études d’éducateur et travaille parallèlement comme vidéaste. La vie d’artiste, quoi…
Et cette audition, alors ?
Elle doit se dérouler les 11 et 12 janvier. C’est mon oncle, chanteur à Bruxelles, et un copain danseur qui m’en parlent. Moi, je suis à fond, mais en plein examen. Du coup, je n’ai pas fait attention à la « dead line », j’envoie mes papiers en retard, mais comme souvent, les organisateurs jettent un œil aux retardataires. Du coup, je suis repêché et reçois un mail le dimanche 16 au matin… pour me rendre à Bruxelles le soir même!
Pas le temps de tergiverser, donc ?
Non. Être danseur, c’est être ultraflexible et se battre. Ce n’est pas génial comme condition, mais c’est comme ça. Là, je suis obligé d’annuler un repas de famille, je file pour deux heures de route et, une fois sur place, je me retrouve avec le numéro 200…
J’attends mon passage et le résultat. Je devais avoir une réponse le soir, mais elle arrive à 4 h du matin. J’ai dû alors m’arranger avec mon boulot (chez FOQUS) pour être disponible le reste de la semaine. Mon patron a été cool.
Quel était alors le programme ?
Le lundi, sur place, on essaye les costumes et on est classés dans deux catégories : figurants ou danseurs élites. Il devait bien y avoir une cinquantaine de professionnels et 300 amateurs !
Après, c’est un jour d’entraînement, un autre de répétition générale, dehors, en conditions réelles, puis les deux jours de tournage. Ça va très vite. Il faut être concentré. On n’a pas le temps pour autre chose.
Il y a dix ans, Stromae était à peine connu. À Luxembourg, il est venu avec nous sur la piste de danse
Malgré tout, vous étiez satisfait d’y être ?
Oui, très. C’était marrant de me retrouver dans le clip de Stromae, car je l’ai rencontré il y a plus de dix ans, à Luxembourg. Il venait à peine de sortir son tube Alors on danse. Un ami avait organisé une soirée « Millésime », et il était venu en tant que « guest ».
Mais il était à peine connu, les gens savaient à peine qui il était. Du coup, il n’est pas resté dans son coin et est venu sur la piste de danse. Bref, un mec simple ! J’en ai profité pour lui demander comment ça allait, s’il était content que sa chanson marche.
Rien d’exceptionnel… Pas sûr aujourd’hui qu’il s’en souvienne. Il a vécu pas mal de choses ces dix dernières années (il rit).
Stromae et vous, c’est donc une longue histoire…
(Il coupe) Mais j’ai encore une autre anecdote ! En 2018, je prends un BlaBlaCar (NDLR : un service de covoiturage) pour rentrer à Luxembourg. Je discute avec le chauffeur, je lui dis que je suis danseur, il me répond que son frère, lui aussi, est artiste, sans en dire plus.
Et là, le téléphone sonne et je reconnais la voix. Je lui dis : « votre frère, ce ne serait pas Stromae par hasard? » Il était un peu gêné, mais il a finalement avoué. Et la semaine dernière, je le revois sur le tournage. Je lui rappelle l’histoire. J’avais même encore son numéro! Ça l’a fait marrer.
Et Stromae, vous avez pu aussi lui raconter vos souvenirs ?
Pas vraiment. Il est tout le temps occupé. Mais il m’a laissé la même impression qu’il y a dix ans. Celle d’un mec sympathique, tranquille. Durant le tournage, il a même pris le micro pour nous motiver.
Du genre « merci d’être là pour mon clip, surtout avec le temps qu’il fait ». On était dehors, il faisait froid et pleuvait. Bon, il faut que je fasse quand même attention à ce que je dis…
J’ai déjà signé des contrats où vous prenez 10 000 euros d’amende si jamais vous divulguez quoi que ce soit…
C’est vrai que vous êtes tenu à une clause de confidentialité. Qu’est-ce qu’elle exige ?
Que l’on n’a, par exemple, pas le droit de publier de photos ou de vidéos, ni d’évoquer le clip, d’en dévoiler le contenu. Bref, il faut rester le plus secret possible !
Ça m’est déjà arrivé de signer des contrats où vous prenez 10 000 euros d’amende si jamais vous divulguez quoi que ce soit.
Comment s’est déroulé le tournage ?
C’était un week-end de fou, très dense, avec une météo pas géniale. En plus, il y avait un danseur qui manquait. Du coup, il a fallu s’adapter. C’était un peu la panique ! On a eu une demi-heure pour rectifier le tir avant d’être filmé.
Ce genre de détail, ça peut déstabiliser facilement tout un groupe. Mais la chorégraphe Marion Motin et deux autres ont géré ça comme des professionnels qu’ils sont. C’était une chouette expérience.
Vous sentez-vous à l’aise au milieu d’un tel plateau ?
Oui, je suis habitué. J’ai déjà travaillé dans des conditions similaires, voire bien pires ! D’ailleurs, si je devais le refaire tout de suite, ça serait avec plaisir. C’est mon domaine, celui dans lequel je suis vraiment à l’aise.
Êtes-vous familier de l’univers des clips ?
(Il souffle) J’en ai déjà fait, mais ça fait longtemps ! Au final, c’est comme au cinéma ou n’importe quelle autre mise en scène. J’avais participé à un film de Jean-Claude Van Damme il y a quelques années de ça. Ce sont des heures d’attente, et à un moment donné, il faut être présent.
Jusque-là, ils font de multiples prises de la même scène et, vous, vous patientez, encore et encore, alors que vous êtes sur le plateau depuis 8 h du matin et jusqu’à 18 h… Mais il faut toujours se tenir prêt. Les excuses, du genre j’ai mal ou je suis fatigué, personne ne les entend. On n’a pas le droit de se plaindre, sinon vous vous faites vite remplacer.
Était-ce le cas la semaine dernière ?
C’est sûr qu’il y avait une certaine pression et qu’il fallait être dans les starting-blocks. Le directeur artistique répétait sans cesse « dépêchez-vous! », du fait de la météo menaçante.
Du coup, je suis impatient et curieux de voir le résultat final. Tout ce que j’ai vu jusqu’alors, ce sont des caméras de tous les côtés !
Êtes-vous content d’y avoir participé ?
C’est certain. Le fait d’être là, simplement avec lui, c’était top ! Je n’ai finalement qu’un seul regret : ne pas avoir été lui parler durant les essayages. C’était le moment où il était le plus disponible, mais comme je suis réservé, je ne suis pas du genre à courir après un artiste pour faire un selfie…
Mais après le tournage, ce n’était plus possible. Imaginez-le au milieu de 300 personnes qui réclament chacune une photo : il ne s’en sortirait jamais (il rit).
Tant pis alors pour la photo-souvenir…
Mais on en a quand même fait avec lui, par petits groupes. C’était un geste sympa, mais on ne les a pas encore reçues. On nous a promis qu’elles arriveraient quand le clip sortira. Pas avant, forcément…
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