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La radio numérique fait bande (FM) à part


Finis la friture, les boutons difficiles à régler et les pertes de signal dans les tunnels... (Photo AFP)

Finis la friture, les boutons difficiles à régler et les pertes de signal dans les tunnels : premier pays à signer l’arrêt de mort de la radio FM, la Norvège est à l’aube d’un saut technologique suivi de près ailleurs dans le monde.

A compter de 2017, la diffusion analogique en modulation de fréquence va céder la place à la radio numérique terrestre (RNT), a décidé la semaine dernière le gouvernement norvégien, qui a vanté une offre enrichie, une meilleure qualité sonore, de nouvelles fonctions et des coûts de transmission moins élevés. « Cela n’ayant jamais été fait auparavant, c’est une perspective assez angoissante pour tout le monde », estime le consultant britannique James Cridland, qui se présente comme un « futurologue de la radio ». « Tous les yeux sont rivés sur la Norvège ».

Avec le basculement technologique, près de 8 millions de postes radio vont subitement devenir obsolètes dans le pays scandinave. Si 55% des ménages y possèdent déjà au moins un récepteur à la norme DAB (Digital Audio Broadcasting) adapté à la radiodiffusion numérique, des interrogations demeurent sur l’adhésion ou non de ceux qui ne sont pas équipés avec, comme risque, une possible érosion de l’audience radio globale.

« Ça va être intéressant de voir s’ils se précipitent pour remplacer leurs récepteurs analogiques avec une radio DAB ou une radio internet, ou bien s’ils concluent qu’ils n’ont plus vraiment besoin de radio parce qu’ils ont Spotify, Wimp, Deezer et tous ces services de musique en ligne », note James Cridland. Pour assurer un passage en douceur, la Norvège a soigneusement préparé le terrain: dans ce pays généralement technophile, la RNT coexiste avec la FM depuis 1995 déjà, et toutes les chaînes principales, tant publiques que privées, s’y sont mises.

L’Europe dans le mouvement

Plusieurs pays, en particulier en Europe et en Asie, pourraient bientôt suivre l’exemple. Le Royaume-Uni, qui a lui aussi lancé la RNT il y a 20 ans, le Danemark, la Suède, la Suisse ou encore la Corée du Sud sont bien placés pour être parmi les prochains à renoncer à la bande FM. « Les technologies sont là », souligne Jean-Marc Dubreuil, consultant du forum mondial pour la promotion de la radio numérique (WorldDMB).

Mais « il faut que la totalité de l’écosystème soit prêt à le faire, ce qui n’est pas toujours forcément le cas », ajoute-t-il. En France, la RNT, qui est à la radio ce que la TNT est à la télévision, peine à convaincre. Lancée en juin à Paris, Marseille et Nice, elle ne bénéficie du soutien d’aucun des principaux acteurs. Côté public, elle bute sur les contraintes budgétaires de Radio France qui n’a pas les moyens de diffuser à la fois en numérique et en FM.

Du côté du privé, elle se heurte à l’opposition de principe des grands groupes qui préfèrent miser sur la diffusion par internet plutôt que de parier sur une technologie qu’ils jugent coûteuse et qui présente pour eux le risque d’une concurrence accrue sur fond de baisse des recettes publicitaires.

« Il ne faut pas jouer les apprentis sorciers en disant qu’en deux ans ou en cinq ans, on va faire comme la Norvège alors que ça lui a pris 20 ans pour en arriver là », estime Xavier Filliol, organisateur des rencontres radio 2.0 sur l’avenir de ce média. Pour lui, le DAB est une « technologie de transition » appelée à évoluer dans un avenir pas si lointain pour intégrer de l’IP (internet) qui lui procurera « une voix de retour », c’est-à-dire une interactivité qui lui fait aujourd’hui défaut.

« Les normes évoluent énormément et, surtout, c’est l’usage qui va faire loi à partir du moment où les gens dans la voiture ne voudront pas seulement écouter du DAB mais voudront aussi aller sur Google ou sur Facebook », souligne Xavier Filliol. « Je ne peux pas imaginer dans cinq ans un DAB sans cette voix de retour alors que le net aura tout envahi, que ce soient les frigos ou les voitures », ajoute-t-il.

AFP