Suite aux attentats du 22 mars à Bruxelles, le nouveau film du réalisateur américain Michael Bay, 13 Hours, a vu sa sortie purement et simplement annulée en Belgique. Au Luxembourg, elle ne serait pour l’instant que reportée. En France, le film est sorti normalement, le 30 mars. Nous l’avons vu.
Il est des victimes collatérales des attentats parfois étonnantes. Qui aurait cru que Michael Bay, grand faiseur de blockbusters hollywoodiens décervelés (Armageddon, Pearl Harbour, la série des Bad Boys…) verrait son nouveau film privé d’écrans ? C’est pourtant ce qui est arrivé à 13 Hours en Belgique. Un peu comme Black, le film sorti juste avant les attentats du 13 novembre à Paris en Belgique mais qui n’a pas trouvé le chemin des écrans français ou encore Made in France, sorti directement en VOD.
13 Hours est une histoire vraie et conte la journée du 11 septembre 2012, à Benghazi, en Libye. Ce jour-là, des jihadistes avaient attaqué la représentation diplomatique américaine de la ville et tué l’ambassadeur John Stevens, ainsi que deux hommes de la CIA et un officier en charge du service des communications.
C’est sur cette histoire que revient le film, dans un style hollywoodien caricatural cher à Michael Bay. Si les mauvais films d’action devaient tous être privés d’écrans, cela ferait un grand ménage. 13 Hours n’a sans doute pas perdu son visa d’exploitation pour ses qualités cinématographiques mais plutôt pour son thème, si sensible au lendemain du 22 mars.
Alliés ou insurgés
Au contraire, il s’agit sans doute d’un des meilleurs films de son auteur, réalisateur épileptique et maniéré qui assassine régulièrement le 7e art, notamment avec ses Transformers. Face aux robots géants, ce 13 Hours ressemble presque à un film intimiste. En choisissant de suivre au plus près le destin de six contractuels de la CIA, gros bras armés en charge de protéger les intérêts américains, il parvient à illustrer l’anarchie du conflit libyen.
Autant les scènes d’action pure n’ont que peu d’intérêt, autant les moments de doute, quand les Américains, tous plus barbus que leurs ennemis, tentent de distinguer qui sont leurs alliés, sont brillantes. À chaque fois, c’est dans les yeux de leurs rencontres qu’ils essaient de savoir s’ils doivent faire feu. Ils ne parlent même pas leur langue et n’ont d’autre moyen pour déterminer le danger. Cela donne lieu à des scènes surréalistes, comme lorsqu’au milieu d’une fusillade, un homme est tranquillement assis chez lui à regarder un match de football. Ou encore lorsque le chef de leurs alliés libyens discute au téléphone… avec les insurgés.
13 Hours montre l’anarchie, le chaos, comme rarement. Malheureusement par bribe car il reste un film de Michael Bay. D’un point de vue purement cinématographique, on lui préférera La Chute du Faucun Noir, sur un sujet très proche, de Ridley Scott. Mais 13 Hours en dit davantage sur l’état du monde que bien des essais plus terre à terre. Et c’est sans doute ce qui lui a valu de ne pas sortir sur les écrans belges. Sa matière est inflammable.
Christophe Chohin