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Pour Maria Alekhina (Pussy Riot) « La liberté n’existe que si on se bat pour elle »


(Photo : AFP)

Emprisonnée pendant 21 mois dans une colonie pénitentiaire des monts Oural, la Pussy Riot Maria (Masha) Alekhina n’a rien perdu de son énergie quand il s’agit de se battre pour la défense des droits de l’Homme.

« La liberté n’existe que si on lutte pour elle, si on se bat chaque jour, à chaque instant pour elle », affirme la jeune femme âgée de 29 ans rencontrée à Paris par l’AFP à l’occasion de la sortie en français de son livre, « Jours d’insurrection » (Seuil) où elle raconte son effroyable expérience carcérale.

Tiré à seulement un millier d’exemplaires, sous forme de samizdat en Russie, le livre vient aussi d’être publié en anglais au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Maria Alekhina a été condamnée en août 2012, avec deux autres jeunes femmes, à deux ans de camp pour avoir chanté une prière « anti-Poutine » dans une cathédrale moscovite. Elle a été graciée en décembre 2013, peu avant la fin de sa peine, par le président Vladimir Poutine. Son livre, écrit en partie quand elle était en prison, s’avère être un témoignage terrible sur le sort réservé aux femmes détenues dans les prisons russes.

Mises à l’isolement, fouilles à nu injustifiées, humiliations sont le lot quotidien des prisonnières. « Certains disent qu’une fois qu’on est en prison, plus rien ne surprend. Eh bien c’est tout simplement faux ».

« Les prisons russes d’aujourd’hui ressemblent bien évidemment au Goulag et ce n’est pas étonnant puisque le système russe actuel est dans la droite lignée de l’Union soviétique », souligne-t-elle. « La prison n’est que le reflet de cet héritage soviétique ».

‘Être soi-même’

Mais la prison, aussi dure soit-elle,  n’a pas fait céder la jeune femme. Au contraire. « Quand vous voyez une injustice vous ne pouvez pas vous permettre de vous taire, quel que soit l’endroit et quel que soit le contexte », dit-elle pour expliquer sa résilience. « Les Pussy Riot (au départ un groupe punk féministe, ndlr) ont cessé d’être un petit groupe pour devenir un mouvement qui se bat pour la défense des droits des détenus, hommes et femmes, faire naître un théâtre politique, la création d’un média indépendant… », explique Masha Alekhina.

Après sa sortie de prison, elle a fondé avec d’autres membres des Pussy Riot un média indépendant, MediaZona, qui « met l’accent sur les violences policières et pénitentiaires et donne un éclairage détaillé sur les procès, souvent politiques, qui ont lieu en Russie ».

« Au départ, personne n’y croyait. On nous disait: +les prisons tout le monde s’en fout+, +On sait bien que la vie en prison c’est l’enfer mais il y a d’autres chats à fouetter+. Aujourd’hui, ce site se situe dans le top 10 des médias dont les infos sont le plus partagées sur l’internet russe », se félicite Masha Alekhina. « On se révolte en permanence contre le système pénitentiaire en vigueur en Russie. Nous voulons la déconstruction de ce système car nous estimons que c’est la seule voie qui nous permettra de survivre en tant que société et en tant que pays », insiste la jeune femme.

Pour autant, elle ne prétend pas lutter pour « établir le paradis sur terre » (« on a vu où cela nous a mené », dit-elle avec un sourire amer en faisant référence à l’utopie communiste qui a viré au cauchemar). « Il faut être soi-même, vivre et ne pas se mentir », affirme-t-elle. Courageusement, elle a pris position contre l’annexion de la Crimée par la Russie.

Elle a également créé, avec Nadejda Tolokonnikova, une autre Pussy Riot, l’association « Zone de droit », une ONG qui propose une aide juridictionnelle « à tous les détenus », notamment les prisonniers politiques et les détenus atteints de maladie grave.

« En Russie aujourd’hui, comme autrefois en Union soviétique, l’individu n’existe pas, on en n’a pas besoin. On veut juste une masse obéissante », déplore la militante féministe. En prison elle a découvert le sort pitoyable des femmes condamnées à de longues peines pour avoir tué leur mari ou compagnon. Quasiment toutes ces femmes étaient des femmes battues. « Les violences domestiques sont omniprésentes en Russie », accuse-t-elle en déplorant que les femmes russes « soient formatées dès la naissance pour subir ».

Le Quotidien / AFP