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Pologne : le palais de Saxe ressort de terre


Détruit pendant la Seconde Guerre mondiale par les nazis, le palais de Saxe va être reconstruit en plein Varsovie. Si certains y voient une récupération politique, d’autres saluent un geste symbolique.

Le palais de Saxe, qui accueillit au cœur de Varsovie le compositeur Frédéric Chopin puis des mathématiciens décryptant la machine allemande Enigma, avant d’être rasé par les nazis, va être ressuscité pour son importance symbolique en Pologne. «Ce lieu, qui sera réinscrit sur la carte de Varsovie, rappellera fièrement ce qui s’est passé ici!», déclare Slawomir Kulinski, porte-parole du projet. «C’est un endroit qui a changé non seulement l’histoire de la Pologne, mais aussi celle du monde», dit-il, en regardant les caves en briques rouges de ce palais saxon qui viennent d’être mises au jour.

Construit pour un noble au XVIIe siècle, le palais devint une résidence royale où vécut plus tard le jeune Chopin. Le père du futur compositeur enseignait dans une école située à l’intérieur, et y était aussi logé. «Chopin a écrit ses premières œuvres ici», souligne Slawomir Kulinski. Il y a notamment écrit la Polonaise en sol mineur, à l’âge de sept ans. «Je parie qu’il courait dans ces caves avec ses amis, qui y jouaient au loup», dit-il. Plus tard, le palais a également abrité le Bureau des décryptages, où des mathématiciens polonais ont cassé le code d’une première version de la machine allemande Enigma, contribuant à la victoire des Alliés lors de la Seconde Guerre mondiale.

Le palais a été dynamité par les Allemands, laissant le vide de l’immense place Pilsudski. Les dignitaires étrangers en visite la traversent pour déposer une gerbe devant la tombe du soldat inconnu, la seule petite section de l’édifice reconstruite après la guerre. La reconstruction va reprendre en s’étendant sur les immeubles voisins et le palais Brühl, un bâtiment baroque comptant parmi les plus beaux de Varsovie. Le complexe, dont l’ouverture est prévue pour 2030, abritera la chambre haute du Parlement, des institutions culturelles, un restaurant et des cafés.

Les détracteurs du projet accusent le gouvernement de droite d’utiliser ce projet pour promouvoir ses idées nationalistes. Ils sont exaspérés par le coût du projet, estimé à 2,5 milliards de zlotys (600 millions de dollars). Mais d’autres attendent cette reconstruction depuis longtemps. «C’est fantastique. Je suis une fan du vieux Varsovie», déclare ainsi Beata Kossakowska, une habitante de la capitale de 57 ans. «Il reste très peu de bâtiments de ce type, avec de beaux ornements architecturaux.»

Comme des milliers d’autres personnes cet été, cette dernière  a participé à une visite guidée du site qui dévoile ses trésors ensevelis. «J’ai parfois l’impression d’être comme Indiana Jones!», sourit Slawomir Kulinski. Derrière la clôture, des excavateurs continuent à enlever le sol tandis que des archéologues s’appliquent à nettoyer méticuleusement des tessons de céramique et des ossements d’animaux. Les caves du palais saxon ont révélé un labyrinthe. La part la plus ancienne est constituée d’un segment d’une fortification construite contre une éventuelle invasion turque il y a 400 ans.

Moment fort de la visite : le guide Waldemar Prokop s’approche d’une ouverture rectangulaire et demande : «Qui croit aux vampires?». À cet endroit, les ouvriers ont retrouvé un squelette du XVIIe siècle, enterré face contre le sol, le cou entravé, la tête sous un mur – un enterrement censé maintenir en place des morts-vivants. Parmi les autres découvertes notables, on trouve une vieille bague en diamant, des carapaces (soit les seuls restes des tortues mangées en soupe), des jeux d’échecs brûlés de la Wehrmacht et aussi des haut-parleurs nazis que les Polonais appelaient «aboyeurs».

Dans une rangée d’énormes fragments de grès, Slawomir Kulinski en distingue un marqué d’une ouverture circulaire soigneusement taillée dans le bloc. «Ce n’est rien d’autre qu’un trou pour un bâton de dynamite. Fait par les Allemands avec une perceuse à main… Ils ont utilisé beaucoup de matériel pour tout faire exploser, tout détruire en profondeur», souligne-t-il.

La Pologne a déjà une grande expérience de la reconstruction. À l’aide des archives et de peintures anciennes, Varsovie a soigneusement reconstruit son vieux centre historique après la guerre. Églises, palais, maisons, places de marché et même un château ont surgi des décombres, ce qui a permis au quartier de se faire classer au patrimoine mondial de l’Unesco. «Les touristes étrangers visitant la ville ne croient pas qu’elle a été reconstruite, tant elle est fantastique», dit fièrement Slawomir Kulinski.

Un commentaire

  1. Sans le moindre doute, il vaut mille fois mieux dépenser de l’argent pour la culture que pour faire tuer encore plus d’ukrainiens.