Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
À 85 ans, Wirginia Szmyt est sans doute la doyenne des DJ européens. Celle pour qui la vieillesse «n’est pas une maladie» mixe pour encourager les personnes âgées à profiter davantage de la vie. Rencontre.
Un énorme casque posé sur ses cheveux blancs, la DJ, activiste et arrière-grand-mère polonaise Wirginia Szmyt, groove aux côtés d’une drag-queen extravagante lors d’une Gay Pride à Varsovie, brisant avec panache les clichés sur les seniors. «La vieillesse n’est pas une maladie!», lance-t-elle, en agitant son poignet orné d’une pile de bracelets aussi colorés que sa personnalité. Car à 85 ans, DJ Vika, qui dit se sentir «éternellement jeune», entend se battre contre les clichés sur l’âge.
Être âgée «ne veut pas dire qu’il faut devenir une plante et passer sa vie à regarder par la fenêtre», dit-elle tout en donnant le rythme depuis le haut d’une plateforme à un public dansant. À travers ses nombreuses prestations, DJ Vika veut montrer son soutien indéfectible aux personnes âgées. Elle plaide également en faveur de l’égalité des sexes, des droits des LGBTQ et d’une Pologne plus ouverte d’esprit et plus tolérante. «Je suis pour l’unité, pour l’égalité, pour l’amour, la tolérance et l’ouverture», dit-elle, juste avant son tour de scène pendant une Pride récente. «Tout cela permet de vivre dans la joie», assure-t-elle.
DJ Vika, qui est depuis plusieurs années à la retraite après une carrière d’éducatrice dans un établissement pénitentiaire pour jeunes, a commencé à organiser des soirées pour personnes âgées pour les aider à s’«adapter au XXIe siècle». Ce qui a commencé comme une série d’évènements éducatifs, des rencontres avec des responsables religieux et des politiciens, s’est vite transformé en réunions festives débordant de musique, de voyages au bord de la mer et de célébrations diverses.
Être âgée ne veut pas dire qu’il faut devenir une plante et passer sa vie à regarder par la fenêtre
«Dans notre pays, il n’y avait pas cette tradition visant à proposer quelque chose aux personnes âgées», dit-elle. «La personne âgée était simplement celle qui doit s’occuper de la famille.» Ses défilés de personnes âgées, inspirés des marches de la fierté LGBTQ, ont débuté en 2013, et le tout premier évènement de ce type a attiré pas moins de 14 000 participants à Varsovie. «Je me suis dit que, vu la façon dont les personnes âgées sont perçues en Pologne, à savoir qu’elles nous gênent, qu’elles nous empêchent de vivre, qu’elles sont vieilles, nous devrions faire un défilé pour montrer à quel point elles sont belles», explique Wirginia Szmyt.
Depuis, des défilés semblables de personnes âgées sont organisés chaque année dans plusieurs villes polonaises. La carrière musicale de DJ Vika, qui dure déjà depuis 26 ans, elle, continue de s’épanouir. «Si nous voulons nous battre pour nos droits, nous devons nous montrer» en public, estime-t-elle. DJ Vika, qui doit sa popularité à ses prestations lors de défilés de la fierté, de festivals des droits de la femme ou d’autres célébrations à l’international, comme à Nice, Francfort ou encore Helsinki, monte régulièrement derrière sa console pendant des soirées dansantes pour personnes âgées, organisées dans un centre commercial de Varsovie.
C’est là que sur fond de tubes latinos, du concours de l’Eurovision en passant par le disco local des années 1980, qu’elle rencontre de son public fidèle de plus près. «La musique remplit ma vie!», lance DJ Vika, dont l’objectif est de «rassembler les gens». Maria Michalak, une infirmière sexagénaire, a fait un trajet d’une heure en métro à Varsovie avec son mari pour participer à la fête. «Comparé à d’autres évènements de ce type, pour personnes âgées, celui-ci est le meilleur», dit-elle sans hésitation. «Il faudrait peut-être les organiser encore plus souvent.»
Andrzej Jan Kuspik, retraité âgé de 73 ans, assiste aux sets de DJ Vika tous les mois. «Elle le fait pour nous.» En signe de reconnaissance, il lui a même acheté des fleurs à l’occasion de la journée internationale de la Femme, le 8 mars dernier. Souvent en déplacements à travers la Pologne et à l’étranger, DJ Vika ne prévoit toujours pas de s’arrêter. «Chacun a en soi une âme d’enfant, elle nous permet de nous sentir plus jeune», dit-elle en souriant. Une philosophie qui s’observe dans un récent documentaire qui lui est consacré, intitulé Vika!.
