Elles jettent des sorts à Donald Trump, descendent dans les rues protester et envahissent les écrans à coup de remakes. Résolument combatives, les sorcières sont de retour et s’imposent en figures féministes, à l’ère de #MeToo.
Muni de photos de l’ « ennemi », de miroirs brisés et de gravats de cimetière, un groupe d’hommes et de femmes, revendiquant l’étiquette de sorcières, a jeté mi-octobre un sort à Brett Kavanaugh, le juge de la Cour suprême des États-Unis accusé de tentative de viol. Diffusé en direct sur les réseaux sociaux, le rituel – un acte de « résistance contre le patriarcat » – s’est déroulé dans une librairie new-yorkaise, plongée dans le noir. La cérémonie a été rythmée par des chants, des incantations traduisant la « rage » des sorcières ainsi que des passages de la Bible, au grand dam de chrétiens fondamentalistes.
Ce qui pourrait n’être qu’un épiphénomène lié à l’imminence d’Halloween est un mouvement plus vaste, combinant attrait pour l’ésotérisme et discours féministes, le tout s’épanouissant sur les réseaux sociaux.
Figures de femmes fortes
« Historiquement, la sorcellerie revient à rendre le pouvoir aux femmes, le pouvoir de la femme en tant que déesse, et cela a été perverti par l’histoire officielle et les religions en le transformant en pacte avec le diable », soulignait en septembre l’Italien Luca Guadagnino, qui vient de signer un remake de Suspiria, classique de l’horreur. Dans son film, en salles mi-novembre, une académie de danse du Berlin des années 70 est dirigée par un groupe de sorcières en proie à des luttes intestines. « Je veux que les spectateurs voient à quel point les femmes ont du pouvoir. Ce ne sont pas des victimes », expliquait le réalisateur, en marge du festival de Venise, à propos de son film qui compte un seul personnage masculin, un psy doutant des forces obscures.
Longtemps réduites à un physique (ingrat) et un accessoire (le balai), les sorcières sont des figures de femmes fortes, qui s’éloignent d’une voie toute tracée, explique Mona Chollet dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes, paru à la rentrée. « On a trop tendance à en faire une figure purement fantastique et oublier leur histoire tragique. La chasse aux sorcières a été un crime de masse. Il n’y avait rien de surnaturel, c’était des femmes qui dérangeaient l’ordre établi et qui étaient pourchassées de manière arbitraire », souligne-t-elle.
Un passé qui confère une force d’évocation à la figure de la sorcière. A tel point que des micro-collectifs, les « witch blocs », portent aujourd’hui robe noire et chapeau pointu pour protester dans les rues.
LQ/AFP