Depuis plus de dix ans, les polars nordiques tiennent en haleine les téléspectateurs du monde entier avec leurs intrigues meurtrières sur fond d’atmosphère sombre et étrange. Mais dans les contrées du « Scandi noir », une nouvelle vague audiovisuelle est en cours.
La sélection du festival CanneSéries, qui s’ouvre ce vendredi dans le sud de la France, est composée cette année de pas moins de six productions scandinaves, soit un tiers du total. Parmi les sorties très attendues figure Cryptid, une série fantastique suédoise, lancée en avant-première en septembre dans les pays nordiques.
L’intrigue, qui tourne autour d’adolescents vivant des évènements mystérieux dans une ville fictive, suscite un « vif intérêt » à l’étranger, selon le distributeur Beta Film. La série a déjà été vendue à Salto, la plateforme de vidéo sur abonnement de France Télévisions, et à l’allemande Joyn. « L’essor des plateformes de streaming a généré une demande de contenus qui se démarquent et sont encore assez bon marché, ce qui est le cas pour les contenus nordiques », explique Pia Jensen, professeure à l’université d’Aarhus au Danemark. « La plupart ont des qualités de production assez élevées, ce qui est essentiel si vous voulez vendre sur le marché international », poursuit-elle.
Les épisodes d’une demi-heure de Cryptid donnent une impression plus dynamique que les lentes intrigues qui caractérisent souvent les séries nordiques. « Cryptid est un très bon exemple de la réussite » du drame scandinave, selon Justus Riesenkampff, de Beta Film. Lorsque l’AFP s’est rendue sur le tournage de la série en octobre dernier, l’un des nombreux lacs aux abords de Turku, en Finlande, s’était transformé en une scène de macabres évènements. « Il y a quelque chose qui se cache sous la surface mais on ne sait jamais quoi », explique le réalisateur David Berron.
Comic noir
La série aura « beaucoup plus de couleur et de saveur », juge-t-il, que le réalisme grisâtre des succès criminels nordiques comme Bron et The Killing. « Dans le ‘Scandi noir’, tout est très calme, bas et mélancolique, on reste dans l’esprit ici, mais nous y avons ajouté quelques épices », détaille le réalisateur. L’atmosphère différente a notamment été insufflée par le célèbre graphiste français Sylvain Runberg, connu pour avoir adapté la trilogie Millennium de Stieg Larsson en bande dessinée.
L’auteur, qui partage son temps entre la France et la Suède, estime que le succès du noir nordique est dû au contraste entre l’agréable facette de la société scandinave et ses courants latents de criminalité, de préjugés et d’agressivité refoulée. Si les récits sont « souvent très brutaux et violents », « ce n’est pas du tout ce qu’on vit au quotidien en Scandinavie », explique-t-il, « ça crée une scène, une résonance ».
Loin du polar, plusieurs séries nordiques se sont aussi fait un nom à l’international ces dernières années. La norvégienne « Skam », diffusée entre 2015 et 2017 et qui raconte les aventures de lycéens, a fait un carton en Scandinavie avant de donner naissance à des remakes en Europe et aux États-Unis.
« Nouvelles choses »
Au Danemark, Au nom du père – du scénariste de la série politique à succès Borgen et qui explore les tourments d’une famille de pasteurs danois – a vu sa tête d’affiche Lars Mikkelsen récompensée par un Emmy Award en 2018. Borgen, symbole de ce virage scandinave hors du polar, vient d’elle annoncer une quatrième saison pour 2022.
Cet automne promet également un nouvel arrivage de séries nordiques, avec notamment le drame historique norvégien Atlantic Crossing.
À mi-chemin entre Downtown Abbey et The Crown, la série revient sur le parcours de la princesse Martha (interprétée par Sofia Helin) réfugiée aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale grâce à son amitié avec le président Franklin Roosevelt (interprété par Kyle MacLachlan). Elle a été vendue dans toute l’Europe et un accord américain est aussi en phase finale de négociation, d’après Beta Film.
L’essor des nouveaux genres nordiques sonne-t-elle le glas du polar nordique ? Pas vraiment, juge Justus Riesenkampff. S’il « y aura de nouvelles choses qui sortiront des pays nordiques », il y aura « toujours beaucoup de polar », prédit-il. Adaptation de l’affaire du tueur au sous-marin Peter Madsen, la série danoise The Investigation (L’enquête), qui vient de commencer sur des chapeaux de roues au Danemark, a déjà été vendue notamment à la BBC et RTL.
AFP/LQ