Couvrir son avatar favori du logo d’une marque prestigieuse ou arborer des Pikachu sur son sac, c’est désormais « fashion » : le luxe investit l’univers du jeu vidéo pour tenter de mieux séduire la stratégique « génération Z », destinée à devenir sa clientèle principale.
Plus qu’un effet de mode, une tendance de fond. Après des partenariats entre Moschino et Les Sims, Louis Vuitton et League of Legends, ou encore Marc Jacobs et Valentino avec Animal Crossing, c’est au tour du maroquinier Longchamp de s’allier avec un acteur important de l’industrie vidéoludique en lançant une collection atypique avec le célèbre jeu Pokémon Go.
« On a toujours aimé casser un petit peu les codes et surprendre. L’idée, pour moi, c’était de faire se rencontrer deux mondes complètement différents, et montrer qu’on peut totalement faire cohabiter l’univers du jeu vidéo avec l’univers de la mode et notre savoir-faire », explique à l’AFP Sophie Delafontaine, directrice artistique de Longchamp.
« On a fait beaucoup de choses avec l’art, le design, l’architecture. Le +gaming+, c’est une nouvelle forme d’exploration et de créativité » avec « un imaginaire hyper fort et une richesse de graphisme », ajoute-t-elle.
Concrètement, la marque française a produit à l’occasion de la Fashion Week une ligne de sacs et d’accessoires à l’effigie de Pikachu, l’incontournable petit personnage jaune de l’univers Pokémon, dessiné pour l’occasion avec une bombe de jockey, comme un clin d’oeil au logo d’origine de Longchamp.
40 % des achats par la « GenZ » d’ici 2035
Ces modèles, d’un prix allant de 50 à 800 euros, seront aussi proposés en version virtuelle aux millions de joueurs de Pokémon Go à travers le monde. Quand il n’y a pas des partenariats avec des éditeurs majeurs comme Electronic Arts ou Niantic, ce sont les marques de luxe elles-mêmes qui créent leurs propres jeux mobiles comme Burberry avec l’application « B Bounce », Gucci avec « Gucci Arcade » ou Hermès avec « H-pitchhh ».
Au-delà d’une « affinité » grandissante des directions artistiques avec ce secteur « très créatif », l’objectif est bien de s’adresser à la cible stratégique de la génération 15-24 ans « sur les lieux où elle se trouve et consomme » afin d’engager « une relation qui va au-delà d’un beau visuel », estiment les analystes. Et pour cause, selon une étude du cabinet Bain & Company, la « Génération Z » née après 1995 devrait réaliser 40 % des achats de produits de luxe d’ici 2035.
« Si on regarde tous les chiffres, la croissance est tirée par la jeune génération, notamment dans les pays asiatiques, avec un panier moyen qui augmente chaque année. Il y a donc un intérêt des marques à les toucher par des biais différents des médias traditionnels qui ne les atteignent plus », explique Audrey Depraeter-Montacel, directrice du pôle luxe au cabinet Accenture.
Asie, terrain de jeu privilégié
Face au bouleversement en cours du profil et des pratiques des clients, « il y a beaucoup de maisons qui sont dans un enjeu de renouvellement générationnel » car « le risque principal est d’être ringardisé », renchérit Frédéric Gigant, associé au cabinet BearingPoint, expert luxe et expérience client. « Or si on arrive à capter ces primo-accédants, on peut vraiment les fidéliser sur une durée de vie très longue », ajoute-t-il. Un positionnement d’autant plus important que c’est en Asie, devenu « l’épicentre » de la croissance mondiale du marché du luxe, que se trouve le plus grand nombre de consommateurs de jeu vidéo avec 1,4 milliard de joueurs payants, contre 668 millions en Europe, selon le cabinet DFC Intelligence.
Tout sauf un hasard si Louis Vuitton a conçu l’an dernier une malle spéciale pour transporter le trophée du championnat du monde de League of Legends, compétition d’esport très populaire en Chine et en Corée du Sud.
Autre piste de revenu et de visibilité potentielle pour les marques de luxe dans le jeu vidéo : « le business des skins », ces collections virtuelles que peuvent acheter en ligne les joueurs pour habiller leurs avatars favoris alors qu' »il y a des ‘gamers’ prêts à dépenser énormément d’argent pour cela », rappelle Frédéric Gigant.
« Aujourd’hui c’est très marginal mais le monde évoluant plus vite qu’on ne le pense, cela pourrait devenir potentiellement intéressant », pronostique Audrey Depraeter-Montacel.
AFP/LQ