Il est l’un des plus grands photographes actuels : Sebastião Salgado, connu pour ses œuvres intenses en noir et blanc, continue à travers elles de parler de la dégradation de l’environnement et de ceux qui en souffrent. Rencontre.
À 80 ans, le photographe brésilien Sebastião Salgado, qui présente à Londres une rétrospective pour ses cinquante ans de carrière, ne baisse pas les bras et insiste toujours sur la nécessité de «sensibiliser» à la déforestation de la planète. «La photographie est le miroir de la société», dit-il pour résumer son travail depuis un demi-siècle, qui est centré depuis de nombreuses années sur la protection de la nature. Sebastião Salgado présente à Londres une sélection de ses centaines de milliers de clichés, à la Somerset House. «C’est une petite partie de mon travail. On ne peut pas présenter une si longue carrière en une cinquantaine de photos. Mais chacune représente un moment de ma vie qui a été très important», explique-t-il.
La photographie est le miroir de la société
L’exposition fait suite au prix que lui a décerné la World Photography Organisation, basée à Londres, en reconnaissance de sa carrière. «C’est la récompense du travail de toute une vie», estime Sebastião Salgado avec gratitude. Le photographe ajoute ainsi un nouveau trophée à une longue liste de récompenses, qui comprend, entre autres, le prix Prince des Asturies pour les Arts reçu en 1998. «Un photographe a le privilège d’être là où les choses se passent», souligne Sebastião Salgado. «Les gens me disent que je suis un artiste mais je leur réponds que non, je suis un photographe et c’est une grande chance de l’être. J’ai été un émissaire de la société dont je fais partie.»
Après des études d’économie, il a commencé à prendre des photographies en 1973 et n’a plus jamais arrêté. En 1998, avec son épouse Lelia, il a créé l’Institut Terra pour la reforestation de l’Amazonie brésilienne et de la planète en général. «Nous avons perdu 18,2 % de l’Amazonie. Mais ce ne sont pas seulement les Brésiliens ou d’autres pays de la région qui l’ont détruite, c’est notre société, à cause d’un terrible besoin de consommation, de profit», accuse-t-il. Sebastião Salgado veut «faire prendre conscience aux gens qu’ensemble nous pouvons faire les choses différemment». Ainsi, «nous pourrons sauver cette grande forêt dont nous dépendons pour la biodiversité et aussi cette grande réserve culturelle que sont les tribus indigènes vivant en Amazonie».
Mais la déforestation de la planète est loin d’être sa seule inquiétude : il parle aussi du changement climatique et du manque d’eau. «Il y a un second drame, tout aussi important que le réchauffement climatique, qui est la perte d’eau», alerte-t-il. Sebastião Salgado parle alors du sud de la France, «un endroit où il a toujours plu et où, depuis quelques années, des villages sont approvisionnés en été par des camions-citernes». «C’est quelque chose qui se passait en Afrique et qui se passe maintenant en Europe», s’inquiète-t-il. Le photographe s’alarme aussi de la diminution de la biodiversité, «à un rythme effréné». Il prend l’exemple de l’Allemagne, qui a perdu «70 %» de celle-ci au cours des quarante dernières années.
«Nous devons faire quelque chose!», implore-t-il. «Ce n’est pas que les gens soient mauvais, c’est simplement qu’il y a un manque d’information et de sensibilisation», insiste le photographe. Sebastião Salgado parle au passage des années qui lui sont comptées. «J’ai cinquante ans de carrière derrière moi et j’ai 80 ans. Je suis plus proche de la mort que d’autre chose. Mais je continue à photographier, je continue à travailler, je continue à faire les choses de la même manière», explique-t-il. «Je n’ai aucune inquiétude ni aucune prétention quant à la façon dont on se souviendra de moi. C’est ma vie qui est sur les photos et rien d’autre», conclut-il.