Le Centre national de l’audiovisuel inaugure, ce samedi, sa nouvelle exposition entièrement dédiée au travail photographique, trop longtemps oublié, de Romain Urhausen.
Il a fait les beaux jours de la photographie luxembourgeoisedans les années 50-60 avant de setourner vers d’autres passions:l’architecture, le design, la sculpture, la création de bijoux… Le CNA rend hommage à cet inconnu célèbre qu’est Romain Urhausen, à travers une très belle exposition de quelque 340 de ses clichés ainsi qu’un livre, Romain Urhausen – Fotograf, publiéà cette même occasion.
Dans une discussion au sujet des grands noms de la photographie luxembourgeoise, rares sont les connaisseurs qui auraient pu citer Romain Urhausen. Le natif de Rumelange, 85 ans aujourd’hui, a pourtant publié ses clichés dans la presse luxembourgeoise, exposé à Paris, participé à des expositions collectives de renom, au MoMA de New York entre autres, publié des livres, etc. Mais après deux décennies (1950-60) riches en photographie, Urhausen délaisse la pellicule argentique pour s’adonner à d’autres passions. Un aspect touche-à-tout qui l’a, peut-être, jusqu’à aujourd’hui du moins, fait tomber dans un certain oubli.
Cet oubli, le CNA compte bien y remédier désormais avec sa nouvelle exposition simplement intitulée «Romain Urhausen – Fotograf». La commissaire, Marguy Conzémius, qui reconnaît n’avoir découvert l’œuvre d’Urhausen qu’il y a un peu plus de deux ans, la trouve «unique par sa qualité, sa diversité et son envergure». « Il a réalisé un travail photographique passionnant, aux multiples facettes et de grande qualité, témoignant d’évènements culturels, urbains, sociaux, naturels, balayant l’espace et le temps , note-t-elle. Avec cette exposition, le CNA donne un aperçu de la diversité de ses travaux photographiques et rend visibles les procédés stylistiques de ses œuvres .»
Photos humanistes et subjectives
En tout, ce sont quelque 340 clichés – parmi les plus de 16 000 visionnés et digitalisés en préparation de l’exposition – qui sont présentés aux Display01 et Display02. Une centaine offerte par le photographe lui-même, le reste acheté avec le soutien financier d’ArcelorMittal. Une contribution qui n’a rien d’illogique quand on voit les clichés d’Urhausen sur la sidérurgie luxembourgeoise, ces coulées qui sortent des hauts fourneaux ou encore ces images des usines de l’ARBED dans les années 60.
Le sud du pays sera également présent à travers des photos, dans une veine humaniste, immortalisant les enfants de Rumelange jouant au base-ball dans la rue ou encore des jeunes installés à différents niveaux d’une haute façade pour, explique le photographe, regarder un match de football à Esch-sur-Alzette.
Dans la même veine, le photographe de la Minett s’est, plus tard intéressé aux «forts des Halles» pendant les quelques mois passés à Paris pour ses études, mais aussi aux bords de la Moselle grand-ducale. Certaines de ses photos n’ont rien à envier à d’autres de ses confrères illustres tels que Doisneau, Ronis ou Cartier-Bresson. Parallèlement, Urhausen a également travaillé d’autres techniques : photos expérimentales au fusain ou sans appareil, photogrammes, impressions en négatif ou sur luminogrammes; d’autres styles : photos d’architecture, autoportraits pleins d’autodérision, portraits, nus.
Toujours, ou presque, en noir et blanc, toujours avec un sens du cadre et de la composition hors pair. « Et ce n’était pas du tout une mise en scène, tout était vraiment comme ça », insiste le photographe en parlant de son cliché de la façade pleine de jeunes face à un match de foot. Pourtant, l’homme sait mettre en scène, ses photos de nu en sont la preuve irréfutable, il sait aussi mettre en page comme le rappellent différents livres présentés dans l’exposition, dont Les Halles. L’Album du cœur de Paris , réalisé avec Jacques Prévert.
Mais au-delà des photos et des livres, l’exposition présente, au Display2, également les travaux réalisés après les années 60 par Urhausen : design, pub, création de meubles, bijoux, sculptures, réalisation de films… Tout est là, « pour mieux cerner la complexité du personnage », souligne la commissaire.
Une complexité que le visiteur retrouve également dans l’œuvre photographique d’Urhausen et qui le rend peut-être unique. Seul, petit, regret par rapport à l’exposition : toutes les explications de l’exposition sont proposées en allemand et en anglais. Exit le français. À deux pas de la frontière française, c’est ballot. Heureusement, s’ils ne sont pas inutiles, ces écrits sont loin d’être indispensables pour profiter des clichés!
Pablo Chimienti
CNA – Dudelange. Jusqu’au 30 octobre. Romain Urhausen – Fotograf 267 pages. En allemand et anglais. Éditeur : Marguy Conzémius. CNA.