C’est au Luxembourg que le compositeur et pianiste Sarantis Kassaras a choisi de présenter, en première mondiale, son opéra Philippe et Alexandre, œuvre basée sur des faits historiques, au cœur de la flamboyante Grèce antique.
Un opéra réunissant de nombreux interprètes de la communauté hellénique au Luxembourg et qui évoque les rapports, délicats, voire conflictuels, qui liaient Alexandre le Grand avec son père Philippe II.
Un opéra en grec présenté en première mondiale à Luxembourg, pour le coup, ce n’est pas banal… À l’origine de cette initiative, Kalliopi Schiltz, installée depuis 40 ans au Grand-Duché et ancienne camarade d’école de Sarantis Kassaras, à Salonique. Ce dernier, compositeur touche-à-tout inspiré « des musiques traditionnelles comme le jazz » et toujours en « train de faire plein de choses », est surtout connu pour ses collaborations avec Mikis Théodorakis. Parmi ses multiples projets, il en est un qui a retenu plus particulièrement l’attention de la pianiste : Philippe et Alexandre , une « belle œuvre » à la musique « excellente ».
Le deuxième volet, en réalité, d’une trilogie sur la vie d’Alexandre le Grand : d’abord Olympias , déjà présenté en Grèce « il y a cinq ou six ans », et qui s’intéresse à son enfance – avec la figure centrale de la reine et mère du conquérant, « une femme à fort caractère qualifiée de magicienne par ses contemporains ». Ensuite, Alexandre à Babylone , jamais montré, avec un Alexandre devenu empereur. Entre les deux, il y a Philippe et Alexandre, un père et son fils, qui, sans l’influence du premier, n’aurait jamais envisagé son projet de conquérir l’Asie.
C’est pourtant les rapports délicats et conflictuels, entre ces deux-là, au cœur de la flamboyante Grèce antique du IV e siècle avant J.-C. qu’aborde cet opéra. Même si Kalliopi Schiltz tempère : « Alexandre a tout de même perpétré l’œuvre de son père. » On retrouve donc le futur roi de Macédoine, encore adolescent, ballotté entre une mère qui veut faire de lui un Dieu et un père qui rêve de réunir les Grecs. Jusqu’au départ d’Alexandre pour la conquête de l’Asie, après l’assassinat de son père.
Un contexte riche, avec les évocations de Démosthène et Aristote, qui plaît à l’amateur d’Histoire qu’est la musicienne : « L’intrigue se déroule quand Athènes perd de sa puissance. C’est la fin du siècle d’or et la Grèce du Nord arrive en force. » Et devant ces conflits, nombreux, Philippe II « cherche à réunir toutes ces villes-états, pour en faire une seule et même nation ». Au passage, le libretto, « très pertinent », devrait réjouir les fans d’histoire ancienne, et les autres, sachant que le récit de la vie d’Alexandre le Grand – l’un des personnages les plus célèbres de l’Antiquité – « attire toujours », même si, aujourd’hui, « son aura n’est plus si fort » qu’auparavant, note Kalliopi Schiltz.
La communauté hellénique du Grand-Duché
Philippe et Alexandre , toujours en cours de finition, et ce, après de longs échanges entre Salonique et Luxembourg, sera donc dévoilé en première mondiale au Grand-Duché – avant, peut-être, Francfort, Londres et Sydney, « intéressés par le projet », sans oublier « un théâtre antique grec ». Un choix réfléchi : « Déjà, pour une raison que je ne m’explique pas, les Grecs ne vont pas beaucoup à l’opéra , dit-elle. Et le Luxembourg, c’est le centre de l’Europe! Même si j’y réside depuis longtemps, je suis toujours étonnée que les salles soient pleines, malgré l’abondance des offres culturelles. »
Une orientation qui devrait satisfaire la communauté hellénique du Grand-Duché, d’environ 2 000 personnes – que Kalliopi Schiltz estime à la hausse depuis la crise et « l’arrivée d’une population plus jeune » – mais qui implique certaines complications. « Il a fallu trouver de l’argent et de quoi accueillir la trentaine de personnes qui viennent de Grèce », poursuit-elle. « D’ailleurs, même le Conservatoire nous offre sa salle! » Après le combat pour les subventions, place maintenant aux guerres et intrigues de palais qui animent cette histoire mise en scène par Spiros Pilos. Kalliopi Schiltz, au piano, dirigera pour sa part six musiciens, une quinzaine de solistes, la Chorale hellénique de Luxembourg et la Greek Theatre Society, toujours du Luxembourg. En outre, des surtitres en français sont prévus pour les non-hellénophones.
Grégory Cimatti
Conservatoire – Luxembourg. Samedi 5 décembre à 20 h.