Retour en force pour la Philharmonie qui, après deux années qui ont laissé un goût d’inachevé, a mis sur pied un programme cinq étoiles pour sa prochaine saison. Pour que l’on célèbre plus que jamais la grande musique.
Un retour à la normale : c’est ce que l’on souhaite partout. Mais plus encore à la Philharmonie, qui a chamboulé quelque peu ses habitudes – c’est peu de le dire – pour s’offrir un retour triomphal sur scène plus tôt que prévu. Beaucoup plus tôt en réalité, puisque l’Orchestre philharmonique du Luxembourg (OPL) retrouvera son public en plein air, dès le 3 juillet, avec un concert sur la Kinnekswiss qui a déjà des airs de vacances, de liberté, de retrouvailles…
Des besoins éprouvés par l’orchestre lui-même ainsi que par son directeur musical, Gustavo Gimeno, et qui vont amener l’OPL en tournée pendant l’été, à Amsterdam, aux Pays-Bas, puis, en août, en Espagne, à San Sebastian – où l’orchestre tiendra le haut de l’affiche pour le concert d’ouverture de la 82e Quincena Musical – et à Santander.
Actuellement, les salles de concert en Espagne peuvent accueillir, selon les régions, entre 70 et 75 % de leur capacité maximale, et les mesures risquent de s’assouplir encore dans les prochaines semaines. Ce qui réjouit le chef d’orchestre espagnol : «C’est merveilleux de jouer devant un public au complet, et nous nous sentons privilégiés de continuer à avoir des activités si importantes en plein milieu de l’été, d’être de retour sur scène quelques semaines à peine après la fin de la saison. Dans ce contexte, c’est encore plus gratifiant.»
À partir du 13 juin, 300 personnes dans la salle
En regardant en arrière, en direction d’une année marquée par les concerts en streaming et, quand cela était rendu possible, des jauges qui étaient réduites à la portion congrue, Sam Tanson a décrit le grand auditorium comme «une salle vide mais pleine d’émotions», lors de la présentation de la saison 2021/2022 de la Philharmonie, vendredi.
«Maintenant, la salle se remplit peu à peu», a poursuivi la ministre de la Culture, et le bâtiment espère avancer dans sa nouvelle saison en accueillant toujours plus de monde. Et peut-être la finir en ayant retrouvé 100 % de sa capacité. La perspective est très envisageable, mais pour l’instant, on en est loin.
«Aujourd’hui, le protocole est limité à 150 personnes dans la salle, indique le directeur général de la Philharmonie, Stephan Gehmacher. Nous avons opté pour une solution sans tests, ce qui implique que l’on continuera à doubler les concerts, maintenant avec 150, puis à partir du 13 juin avec 300 personnes, jusqu’à la fin du mois.» Il indique qu’un nouveau protocole sanitaire pourrait être instauré dans le but d’accueillir plus de monde «début juillet», avec le «Covid check».
L’enregistrement de «L’Oiseau de feu»
Les habituels rappels des restrictions sanitaires étant faits, on se penche alors sur la programmation de cette nouvelle saison. «C’est un bon mélange entre ce que l’on avait prévu pour la saison 2019/2020, la saison 2020/2021 et de nouvelles idées», annonce Stephan Gehmacher.
Le concert qui ouvrira la saison, le 4 septembre, se fera évidemment dans la joie et l’exaltation de la grande musique avec l’Orchestre philharmonique de Vienne, l’un des plus renommés au monde, qui sera dirigé pour l’occasion par le doyen des chefs d’orchestre, Herbert Blomstedt, 93 ans. «C’est une opportunité que l’on ne voulait pas manquer et qui marque le bon esprit pour cette saison», note le directeur général.
L’OPL et Gustavo Gimeno, eux, feront leur rentrée quelques jours plus tard dans le grand auditorium, le 16 septembre, avec une invitée, la soprano allemande Diana Damrau, et un programme qui explorera les lieder de Strauss et qui offrira au public le ballet L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky dans son intégralité. Le chef d’orchestre informe par ailleurs que l’OPL s’apprête à laisser pour la postérité le chef-d’œuvre de Stravinsky, «dans l’un des premiers enregistrements que nous réaliserons dans les prochaines années avec le prestigieux label français Harmonia Mundi».
Dans sa programmation foisonnante, la musique sera célébrée sous toutes ses formes à la Philharmonie. Avec le répertoire de l’OPL, que Gustavo Gimeno, après sept ans passés à la tête de l’orchestre, continue d’envisager comme «une découverte continue», et qui les amènera notamment à la rencontre de Giacomo Puccini, pour sa Messa di gloria, œuvre de jeunesse du compositeur italien et le premier de ses opéras qui sera exécuté par l’OPL, à la Philharmonie bien sûr (le 14 mai 2022), mais aussi en tournée, à Barcelone et à Paris.
De William Kentridge à Damon Albarn
Avec l’accueil, aussi, de la violoniste allemande Isabelle Faust et de la soprano américaine Joyce DiDonato, toutes deux en résidence à la Philharmonie cette prochaine saison. Et des invités de marque, évidemment : l’artiste sud-africain William Kentridge (pour le festival rainy days et dans le cadre du Red Bridge Project), l’acteur français Lambert Wilson, qui chantera Kurt Weill (le 24 septembre), la star brésilienne Gilberto Gil (le 10 octobre), à l’occasion du festival Atlântico, dédié aux musiques lusophones, le trompettiste Ibrahim Maalouf pour une «bataille d’improvisation» avec le pianiste Jean-François Zygel (le 30 janvier) ou encore Damon Albarn, leader de Blur et Gorillaz, pour un spectacle musical sur l’Islande (le 26 février 2022).
À la Philharmonie, on tient à célébrer aussi les musiques du monde, du Liban (Wormholes, de Mazen Kerbaj et Sharif Sehnaoui, le 24 septembre) à la Palestine (Mahmoud, Marcel et moi, de Marcel Khalifé et Bachar Mar-Khalifé, le 23 janvier 2022) en passant par le Royaume-Uni, qui sera à l’honneur avec le cycle bien-nommé «God Save the Music».
Matthew Studdert-Kennedy, le directeur artistique de la Philharmonie, explique que «lorsque l’on a remarqué que le thème de la Grande-Bretagne revenait, nous avons essayé de le pousser plus loin, en invitant de plus en plus d’artistes». Le chef d’orchestre Simon Rattle, le City of Birmingham Symphony Orchestra ou encore le Scottish Chamber Orchestra – «qui jouera la plus célèbre des légendes luxembourgeoises, « Die Schöne Melusine »» de Felix Mendelssohn – braveront le Brexit pour revenir, en musique, en plein cœur de l’Europe.
Mais la véritable nouveauté, pour la Philharmonie, n’est pas à trouver dans le programme… Pas encore, du moins. L’institution du Kirchberg inaugurera en effet sa Luxembourg Philharmonic Orchestra Academy, un projet ambitieux destiné aux étudiants diplômés d’écoles de musique, et dont on peut déjà postuler pour les premières places.
Une académie pour jeunes musiciens
Stephan Gehmacher : «Le coronavirus nous a donné le temps de développer de nouvelles idées et de travailler sur d’autres plus anciennes, qui sont là depuis des années. L’une d’entre elles était de créer une académie.» Le directeur général explique qu’il s’agit d’un «programme de deux ans d’éducation supplémentaire au jeu au sein d’un orchestre, pour accompagner (les diplômés) dans le monde professionnel».
Le chef d’orchestre de l’OPL, qui a participé à l’élaboration de la structure, se dit «particulièrement fier». «Cela nous donnera un sens de la responsabilité, et ce sera une source d’inspiration pour nous aussi. J’ai hâte de voir ces nouveaux visages curieux sur scène, assis à côté de leurs collègues de l’OPL.» En attendant que les futurs élus de l’académie montent sur scène, ils pourront s’inspirer, à leur tour, du riche programme de cette saison.
Valentin Maniglia
08
4 septembre (ouverture de la saison) : Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Herbert Blomstedt
16 septembre : premier concert de l’OPL (invitée : Diana Damrau) dirigé par Gustavo Gimeno
30 septembre : le London Symphony Orchestra dirigé par Sir Simon Rattle
9-16 octobre : festival Atlântico
12-21 novembre : festival rainy days
30 janvier 2022 : Ibrahim Maalouf et Jean-François Zygel, «Bataille d’improvisation»
10 février 2022 : Bartleby Delicate & Guests
26 février 2022 : Damon Albarn, The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows
4 mai 2022 : Lang Lang