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Pays-Bas : une comédie musicale fait de la résistance


Phénomène culturel, la comédie musicale Soldaat van Oranje continue d’interpeller, quinze ans après sa création. Marquante à plus d’un titre, c’est surtout son sujet, l’occupation et la résistance, qui mobilise le public, en pleine montée du populisme. Ambiance.

Dans un immense théâtre niché dans un hangar d’aviation près de la ville néerlandaise de Leyde, des acteurs vêtus d’uniformes nazis escortent un homme sur scène, se mettent en ligne et le fusillent. Sous les yeux horrifiés du public, le personnage, un étudiant juif néerlandais nommé Bram, s’effondre du haut d’une dune de sable et se vide de son sang, alors que les coups de feu se dissipent dans un brouillard rouge. À travers de nombreuses scènes tout aussi poignantes, la comédie musicale la plus ancienne des Pays-Bas continue de délivrer un message qui, pour le public et les acteurs, est aussi pertinent aujourd’hui qu’il y a quatre-vingts ans, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Plus de 3,7 millions de Néerlandais, soit un habitant sur cinq, sont ainsi allés voir Soldaat van Oranje (Le Choix du destin) depuis la première représentation de la comédie musicale en 2010. Elle est devenue depuis un véritable phénomène culturel et sera bientôt adaptée pour un public international, ont annoncé ses producteurs. Tirée du roman d’Erik Hazelhoff Roelfzema, le spectacle raconte l’histoire de l’un des héros de guerre les plus célèbres des Pays-Bas après l’invasion nazie du 10 mai 1940.

Le spectacle débute lorsqu’un groupe d’étudiants de l’université de Leyde dont fait partie Hazelhoff (joué par Joep Paddenburg), se retrouve confronté à la nouvelle de l’invasion allemande. «La guerre met tout sens dessus dessous. Chacun doit faire ses propres choix : allez-vous vous battre pour la liberté et la patrie? Ne rien faire? Ou rejoindrez-vous délibérément l’ennemi?», demande-t-on au public. Hazelhoff et ses amis, parmi lesquels figure Bram (Eli ter Hart), rejoignent la Résistance néerlandaise, tandis que d’autres jeunes hommes semblent se mettre des œillères, prétendant que la guerre n’existe pas.

La liberté est quelque chose que nous ne devrions pas considérer comme acquise, surtout de nos jours

D’autres encore deviennent des nazis convaincus, comme le personnage d’Anton, qui rejoint les SS néerlandais et finit par ordonner l’exécution de Bram. La reine néerlandaise Wilhelmina (Sylvia Poorta) joue aussi un rôle proéminent dans le spectacle, pétrie d’angoisse depuis la Grande-Bretagne où elle s’est exilée alors que sa nation plie sous le joug nazi. Après un périlleux voyage à travers la Manche, Hazelhoff rejoint la reine des Pays-Bas et devient son adjudant de confiance, d’abord en faisant passer des radios clandestinement à la Résistance, puis en s’engageant dans la Royal Air Force.

La comédie musicale se termine à la fin de la guerre, après le retour de Wilhelmina et la libération des Pays-Bas le 5 mai 1945. «Les Pays-Bas ont été massivement affectés par la Seconde Guerre mondiale», souligne Kevin Schoonderbeek, 39 ans, metteur en scène résident de la comédie musicale. «Tout le monde a sa propre histoire et celle-ci a traversé les générations», dit-il. Il y a une dizaine d’années, ce dernier interprétait le rôle d’Anton qui, à l’image de nombreux Néerlandais pendant la guerre, a non seulement collaboré, mais également servi activement en tant que membre de la SS.

«Ma grand-mère, jeune fille pendant la guerre, était venue voir la pièce», raconte-t-il. «Pour elle, me voir dans un uniforme nazi a été une véritable confrontation. Elle a eu une sorte de flash-back de cette époque : le bruit des bottes, les uniformes, les avions qui passaient au-dessus de sa tête…», a-t-il ajouté. La comédie musicale offre au public une expérience immersive unique, appelée docu-théâtre. Une impressionnante plateforme rotative permet l’utilisation de 33 différentes scènes au cours des trois heures que dure la production.

Grâce à des effets spéciaux de pointe, le bombardement de Rotterdam par les nazis le 14 mai 1940 semble sinistrement réaliste. Mais les scènes dramatiques décrivant la torture et le sort des résistants restent les plus saisissantes. À la fin de la pièce, des spectateurs remués ont déclaré avoir été interpellés par les leçons du spectacle. «Cette comédie musicale est toujours incroyablement pertinente au regard des guerres qui ont lieu partout dans le monde», confie Sofie Groen, 37 ans, thérapeute, en vacances depuis Mayence, en Allemagne. «Pour moi, c’est un honneur incroyable de jouer ce rôle», a expliqué l’interprète d’Hazelhoff, Joep Paddenburg. «La liberté est quelque chose que nous ne devrions pas considérer comme acquise, surtout de nos jours», a-t-il ajouté.

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