« C’est mon album en clair-obscur, à la Caravage »: Avec La nuit du réveil, qui sort ce vendredi, Oxmo Puccino livre un album-bilan, après 20 ans de carrière, sombre « car il n’y a pas de lumière sans obscurité ».
Le rappeur français dessine toujours une carte sonore sans frontières – des éclairs de trompette jazz, avec Erik Truffaz en guest, aux orages de beats lourds – mais se dévoile comme jamais. Dans « Le nombril », métaphore de l’oeilleton d’où il voit le monde depuis le ventre de sa mère, il chante ainsi « Avec un frère défunt/Chuis comme un exaucé ». « J’ai un frère qui est décédé très jeune, avant moi, au Mali, alors moi j’étais comme un vœu exaucé ensuite pour mes parents », confie cette figure du rap français, 45 ans, qui a aussi ensuite perdu « un frère cadet de quatre ans, il y a quelques années ».
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L’album de famille du natif de Ségou, au Mali, débarqué en France à l’âge d’un an, s’ouvre en grand: « Papa arrivé à 17 ans/Pour l’instant culturellement distant ». « Ça je l’ai appris en demandant à mon père l’année dernière, on se sent un peu con (d’apprendre ça seulement maintenant, ndlr) », poursuit-il. Sa jeunesse dans un quartier parisien difficile du XIXe arrondissement revient aussi en écho (« J’ai grandi sous l’héroïne du Canal de l’Ourcq »). « Oui c’est comme dire, j’ai grandi sous Giscard, expose-t-il au sujet de cette drogue qui circulait dans les années 70 dans ce quartier. « Mes parents ne savaient pas ce que c’était, mais ils savaient que ‘ça puait le vinaigre’, ils nous ont protégés ».
Face aux rappeurs « bêtes de foire »
Une réalité loin d’un gangsta-rap parfois idéalisé (« La rue ne fait pas rêver ceux qui y grandissent », sur « Je reviendrai pas »). « Il n’y a pas à mettre ça en scène, même si ça fait frétiller, ou vendre, point final », insiste-t-il. Sur la pochette de ce 9e album (7 en studio, 2 en live), Oxmo Puccino avance tout habillé, dans la mer, l’eau aux genoux, dans une pénombre qui sied à l’album. C’est comment d’être sous les projecteurs ? Un goût amer (« Certains accueils me pincent les lèvres/Rapper c’est être tristement célèbre » dans « Le droit de chanter »). « Un jour, il faudra compiler les passages TV des rappeurs, invités comme des bêtes de foire, il n’y a même pas de réflexion… », tacle-t-il.
Thème d’actualité, les violences conjugales sont évoquées dans « Trop d’amour »: « Il criait l’aimer/Les bleus n’ont pas convaincu/Tout le monde le savait/Alors tout le monde s’est tu ». « C’est une question d’éducation: il y a une altercation dans la rue, les gens filment avec leur téléphone plutôt que de séparer », regrette-t-il plus largement. Et de moucher ceux qui l’ont « moqué car j’évite les gros mots/Ça nique des mères mais craint le mot homo » (« Le droit de chanter »). « Ce sont des textes-valises, pour qui veut se prétendre artiste, mais le texte reste important, ‘niquer des mères’, on ne dit pas ça devant des enfants, décortique-t-il. Et de l’autre côté, quand certains éprouvent de l’amour pour quelqu’un, ils s’empressent de dire que ça n’a ‘rien d’homo’… je trouve ça étrange ».
Dans cet album « qui ferme un livre avant d’ouvrir une nouvelle page », il invite des étoiles proches de sa galaxie, Orelsan (« Ma life »), Gaël Faye (« Parce que la vie »), ou encore Caballero et JeanJass pour un titre potache et enfumé: « Toujours en survêt’ comme Jürgen Klopp/Ça sent bon, c’est pas une clope/Ça pousse de l’autre côté du Globe » (« Social Club »). Et la suite après 20 ans de carrière? « Je vais travailler avec d’autres personnes, changer mes méthodes de travail. Il y a beaucoup de matière en France ». Il n’en dira pas plus.
AFP