Le TNL propose la pièce « Où on va papa ? », adaptée du romain éponyme de Claude Frisoni. Un regard troublant sur le handicap, mais surtout une vision de l’amour inconditionnel d’un père envers ses enfants.
« C’est très courageux d’avoir fait un spectacle de cette introspection, qui n’était pas, au départ, pensée pour ça », lancera un Jean-Louis Fournier « pas déshonoré » par ce qu’il venait de voir, à la fin de la première de la pièce de Claude Frisoni tirée de son roman Où on va papa?, jeudi soir du côté du Théâtre national du Luxembourg. Pas « déshonoré », mais vu ses réactions pendant la pièce, peut-être pas totalement emballé non plus.
Alors, oui, certes, la pièce reprend le texte qui a valu le prix Femina à l’auteur. Mais, bien évidemment, elle le met en scène. Jean-Louis Fournier, le personnage, se lance ainsi dans une longue «autopsychanalyse» à haute voix où il parle de ses deux enfants handicapés, mais aussi de son père, de lui-même… Un double, un alter ego qu’on imagine aisément difficile à accepter pour Jean-Louis Fournier, l’homme.
Mais l’auteur n’était pas le seul déboussolé à la fin de la représentation. Car oui, le texte que propose Norbert Rutili offre une montagne russe d’émotions. Il y a le rire, un peu honteux, causé par un bon mot sur le handicap de ses enfants : « Les pieds ont grandi, c’est le Q. I. qui n’a pas suivi ! » Dans ce registre, Fournier ne s’épargne pas lui-même : « J’ai joué à la loterie génétique, j’ai perdu! ». Il y a les regrets : « Mathieu et Thomas ne connaîtront jamais Bach, Schubert, Brahms, Chopin…» Il y a le désespoir, aussi, quand il compare la naissance de ses deux enfants à « deux fins du monde ». Il y a, enfin, l’amour inconditionnel d’un père envers ses enfants…
Reste que le déroulé de la pièce est un tantinet alambiqué, parfois à contre-sens chronologique; que la fin n’en finit pas d’en finir (le coup de fil, la lettre imaginaire, la voiture…); et que tout un tas de sous-entendus, par exemple, sur le père de Fournier ou encore le Byrrh ne prennent du sens que si on connaît le contexte.
Et puis, si Norbert Rutili tient le rôle, s’il offre une interprétation complexe comprenant le jeu d’acteur mais aussi la musique en direct, force est de constater que le texte reste parfois hésitant, bien au-delà des silences qu’il suggère, et que l’élocution n’est pas toujours sans reproche. Bref, le projet est intéressant, mais peut-être pas totalement abouti !
Pablo Chimienti