Julianne Moore est la première à reconnaître que tout lui est arrivé tard dans la vie. Il aura fallu plus de 60 films et cinq nominations pour qu’elle reçoive enfin l’Oscar de la meilleure actrice.
« Je n’ai jamais pensé qu’acteur pouvait être un métier ». (Photo : AFP)
Réputée pour sa force de travail et son perfectionnisme, cette rousse au teint diaphane, aux yeux pâles et au rire facile aura attendu 54 ans pour recevoir la plus prestigieuse récompense du cinéma américain, grâce à son interprétation toute en finesse d’une malade d’Alzheimer dans « Still Alice ». « Je n’ai jamais pensé qu’acteur pouvait être un métier », avait déclaré en inaugurant son étoile à Hollywood celle qui a tout joué depuis, de l’agent du FBI à la star du porno.
« Je l’ai fait parce que j’adorais lire et que c’était pour moi une façon de croire que j’étais dans le livre », avait-elle ajouté. Native de Caroline du nord (sud-est des Etats-Unis), Julie Anne Smith a passé son enfance à déménager (23 fois) avec sa mère travailleuse sociale au gré des affectations de son père militaire. « A l’école, il y a toujours un enfant un peu trop petit, qui porte des lunettes, un autre qui n’est pas bon en sport. Bon, j’étais les trois », a-t-elle raconté.
Alors que son père voulait faire d’elle un médecin ou un avocat, elle étudie l’art dramatique à l’université de Boston. Elle débute à la télévision, puis dans des films de série B dans les années 90 comme « La main sur le berceau », ou « Body », un thriller érotique avec Madonna. Puis viennent « Benny and Joon » avec Johnny Depp (1993), et sa révélation au grand public dans « Short Cuts », galerie de portraits sur la vie dans la banlieue de Los Angeles réalisée par Robert Altman.
> L’année de la consécration
Elle tourne avec les plus grands: Louis Malle (« Vanya 42e rue »), Steven Spielberg (« Jurassic Park »), les frères Coen (« The big Lebowski »,) Paul Thomas Anderson (« Boogie Nights », dans lequel elle joue une star du porno et décroche sa première nomination aux Oscars, et le culte « Magnolia »). Ce n’est qu’à 35 ans qu’elle obtient enfin son premier grand rôle dans « Safe » (1995) de Todd Haynes, avec qui elle tournera deux autres films.
Les années 2000 la voient passer d’un genre à l’autre pour le meilleur (« The hours », « A single man ») ou pour le pire (« Hannibal »). La cinquantaine venue, quand beaucoup d’actrices se retrouvent aux oubliettes d’Hollywood, elle s’épanouit pleinement, entre passages remarqués à la télévision (la série comique « 30 Rock », le rôle de la politicienne conservatrice Sarah Palin dans « Game Change »), comédies à succès (« Crazy stupid love », « The kids are all right »…), film d’auteur ou grosses productions (« Hunger Games »).
2014 et 2015 lui offrent la consécration. Son interprétation d’une starlette envieuse et prête à tout de « Maps to the stars », de David Cronenberg, lui a valu le prix d’interprétation à Cannes, ce qui fait d’elle l’une des rares artistes à avoir gagné le « grand Chelem » du cinéma, à savoir avoir les prix des trois plus grands festivals: Cannes, Berlin, Venise. Le rôle difficile d’une femme de 50 ans qui devient impotente dans « Still Alice » lui a permis de décrocher un Golden Globe, puis un SAG Awards, prélude à l’Oscar.
Son succès ne s’arrête pas au grand écran. Icône de mode (elle a posé nue blottie contre des fauves pour des publicités du joailler Bulgari), elle écrit aussi des livres pour enfants: « Freckleface strawberry », avec une héroïne rouquine inspirée de la petite fille qu’elle était, et « My mom is a foreigner, but not to me » (« ma mère est une étrangère mais pas pour moi »), hommage à sa mère écossaise. Avec son mari le réalisateur Bart Freundlich, elle a choisi de vivre loin d’Hollywood, à New York. Ils ont deux enfants adolescents, Liv et Caleb, qui sont dit-elle, ses premiers fans. « Ils m’envoient des textos avant les cérémonies pour m’encourager! Ils sont super ». Elle promet que son Oscar ne changera pas sa vie: « je ne prends jamais rien pour acquis, pas une seule seconde ».
AFP