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Organiser l’Eurovision… ou pas !


Nemo Mettler, alias Nemo, vainqueur de l’Eurovision 2024. (photo AFP)

En 2025, la Suisse accueillera l’Eurovision, mais le choix de la ville où se tiendra l’événement est loin d’être simple dans ce pays où la politique peut entrer en lice à coup de référendums.

La victoire cette année à Malmö (Suède) de l’artiste non binaire Nemo (avec sa chanson The Code) signifie que le pays alpin accueillera l’édition en 2025, à laquelle participera le Luxembourg, comme l’a confirmé début juillet RTL. Zurich, Genève et Bâle sont sur les rangs face à Berne, la capitale, qui envisage d’organiser l’événement avec Bienne, la ville dont est originaire Nemo. La ville qui l’emportera pour organiser cette 69e édition devrait être annoncée d’ici fin août.

Comme souvent, la question du coût fait débat, mais un particularisme suisse s’ajoute à ces discussions, avec le risque que des formations politiques s’y opposent par le biais de référendums. Dans cette démocratie semi-directe, les citoyens peuvent en effet exiger un vote pour peu d’obtenir le nombre requis de signatures, au niveau tant local ou cantonal que national. L’Union démocratique fédérale (UDF), un petit parti qui défend «les valeurs chrétiennes intemporelles», entend ainsi s’opposer aux crédits accordés par les villes candidates.

Une pétition en 2007 contre DJ BoBo

Ce parti évangélique, décrit comme ultraconservateur par la presse suisse, reproche à l’Eurovision de «célébrer ou du moins de tolérer le satanisme et l’occultisme», rapporte la chaîne de télévision alémanique SRF, citant les propos de Samuel Kullmann, son responsable des activités politiques. Il a pris en exemple la tenue ornée de cornes et les références diaboliques de Bambie Thug, qui représentait l’Irlande lors de la compétition.

Le parti a «une dent contre l’Eurovision et ses participants», souligne le journal Le Temps, qui rappelle que l’UDF avait lancé une pétition en 2007 contre la chanson du candidat suisse DJ BoBo intitulée Vampires Are Alive, elle aussi «jugée satanique». Son président, Daniel Frischknecht, a dit vouloir empêcher l’événement «par tous les moyens», rapporte le quotidien suisse. Les sections locales de ce parti à Zurich et Berne ont déjà engagé les démarches pour lancer des référendums locaux, note de son côté la Radio Télévision Suisse (RTS).

Un financement qui fait grincer des dents

Les prochaines votations, qui se tiennent à intervalles réguliers, interviendront après la décision de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) quant au choix de la ville hôte. «Les engagements financiers seraient bien sûr moins risqués sans les obligations venant des référendums», a déclaré Edi Estermann, le porte-parole de la SSR à la chaîne SRF, mais ce n’est qu’un des aspects avec lesquels il faut composer, selon lui. La Suisse a déjà accueilli la toute première édition de l’Eurovision en 1956 à Lugano, puis à Lausanne en 1989 après la victoire de la chanteuse canadienne Céline Dion, qui l’avait représentée l’année précédente.

Le concours Eurovision de la chanson est financé par des contributions des sociétés membres de l’Union européenne de radio-télévision, qui estime que compte tenu des retombées économiques, la ville se doit de participer au financement, notamment pour les frais de sécurité. À Zurich, un crédit de vingt millions de francs suisses (20,4 millions d’euros) a été approuvé début juillet au cas où la ville l’emporterait, faisant grincer des dents des membres de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice).

Tumulte politique autour de Gaza

Les sections locales de ce parti, la première formation politique du pays, sont toutefois divisées. Certains de ses élus à Zurich et Berne soupèsent leurs options pour des référendums locaux, craignant pour les coûts mais aussi pour le tumulte autour de l’événement, chahuté à Malmö par les questions autour d’Israël et la situation à Gaza. Il serait «juste que les citoyens aient le choix», a défendu le député bernois Marcel Dettling dans la presse alémanique.

Les sections UDC genevoises et bâloises ont «au contraire signalé leur enthousiasme», note encore Le Temps, en raison des potentielles retombées économiques. Les querelles autour du financement d’événements ne sont pas rares en Suisse. Le pays doit accueillir l’Euro féminin de football en 2025, et le gouvernement a voulu réduire son financement de 15 à 4 millions de francs, avant que le Parlement ne s’oppose à cette coupe après de vifs débats.

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