L’émergence du streaming sur abonnement montre que le « grand public est prêt à payer pour consommer de la musique », souligne le patron d’Universal Music, Olivier Nusse, qui rappelle que l’industrie musicale, réunie au Midem de Cannes à partir de ce mardi, vit une « mutation radicale ».
Après quinze ans de crise, liée à internet et au piratage, les producteurs ont renoué avec la croissance. Un rebond « encourageant » mais surtout « durable », estime dans un entretien Olivier Nusse. Il a succédé l’an dernier à l’emblématique Pascal Nègre à la tête d’Universal Music France, leader du marché français avec environ 40% des ventes grâce à des locomotives comme Louane, Kendji Girac ou Stromae.
Le nouveau Graal du secteur, c’est le streaming (écoute en ligne sans téléchargement), qui permet de générer des revenus grâce aux abonnements (plus de 4 millions d’abonnés en France). Ceux inclus dans le forfait téléphonique ou ceux souscrits auprès des plateformes comme Spotify, Apple Music, Tidal ou Deezer.
Bonne nouvelle pour les maisons de disque, c’est ce second type d’abonnement, plus rémunérateur pour elles, qui « est en train de prendre le dessus », selon Olivier Nusse. « Ca montre à quel point, alors que ce n’était peut-être pas le sentiment il y a quelques années, le grand public est prêt à payer pour consommer de la musique », observe-t-il.
« Les nouvelles générations s’habituent à consommer la musique de cette manière, c’est très important pour le développement de ce marché d’avenir », poursuit le patron d’Universal Music, qui table sur « 10 à 12 millions d’abonnés » d’ici quelques années.
Pour s’adapter, la filiale de Vivendi a été réorganisée, explique le patron de 49 ans, présent dans la maison depuis 20 ans et qui dirigeait jusqu’à l’an dernier Mercury, l’un des labels phares d’Universal aux côtés de Barclay, Polydor ou Capitol.
Incontournables playlists
Il a fallu d’une part dénicher les artistes à même de « nourrir ce marché du streaming », notamment les projets de musiques urbaine et électronique. Mais aussi développer des équipes expertes en « stratégies digitales », c’est-à-dire capables, par exemple, d’installer les chansons maison dans les incontournables « playlists » diffusées par les plateformes de streaming, des médias ou des internautes influents.
« Jusque-là, il fallait être bien placé dans les magasins et on se débrouillait plutôt pas mal. Aujourd’hui, il est primordial d’être dans les playlists », résume Olivier Nusse, attendu mardi au Midem (Marché international du disque) où on débattra des nouvelles évolutions du secteur.
Une maison de disques doit désormais être capable, selon lui, de « croiser les expertises » pour permettre d’appréhender à la fois le talent musical d’un artiste et son potentiel à s’imposer dans ce nouveau modèle.
Plutôt qu’une maison de disques, « nous sommes une maison au service des artistes, pour développer d’abord de belles histoires autour de leurs propositions artistiques et activer des leviers qui sont aussi des sources de revenus complémentaires », explique-t-il au sujet d’une major qui développe aussi de plus en plus de projets dans le « live », autour de festivals et de salles.
Les bons vieux disques ne disparaîtront pas pour autant, souligne-t-il, alors que le vinyle est revenu à la mode. Après une année 2016 sans grand phénomène de ventes de type Stromae ou Kendji, 2017 s’annonce plus solide pour Universal en streaming – avec des artistes comme Lacrim, Booba, Lorde ou Katy Perry – comme en disque.
Parmi les sorties majeures programmées: Calogero, Nolwenn Leroy, Florent Pagny, Louane, Etienne Daho, Bernard Lavilliers et Michel Sardou, dont il s’agira du dernier album. Un petit nouveau est aussi déjà attendu: Gauvain Sers, séduisant sur scène en première partie de Renaud et possible « phénomène de vente dès cette année », pour Olivier Nusse.
Lequel ne croit pas que beaucoup artistes vont quitter Universal dans la foulée du départ de Pascal Nègre, comme a pu le faire récemment Mylène Farmer partie chez le concurrent Sony: « Aujourd’hui, la grande majorité des artistes avec qui on a envie de travailler reste là et est très heureuse d’être là. Tout va bien ».
Le Quotidien / AFP