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Olivier Derivière, le jeu vidéo à la baguette


Compositeur, il allie depuis plus de vingt ans sa passion pour la musique et le jeu vidéo. À 46 ans, Olivier Derivière prépare la bande originale de South of Midnight, projet qui marque un tournant dans sa carrière. Visite en studio.

D‘emblée, il précise : «Depuis mes six ans, je ne sors jamais sans une console!». Fasciné très tôt par les univers virtuels et inspiré par l’Américain John Williams, le Français Olivier Derivière est devenu l’un des compositeurs en vue de musiques de jeux vidéo. Une partition d’un côté, une manette de l’autre, il peaufine ainsi devant son ordinateur dernier cri la bande musicale de South of Midnight, le prochain jeu d’aventure du studio canadien Compulsion Games (prévu pour le 8 avril). «C’est ma plus grosse production!», raconte Olivier Derivière, 46 ans, en diffusant plusieurs chansons aux sonorités empruntées au «deep south» américain, alors que plus d’une centaine de sessions d’enregistrement, partagées entre Nashville aux États-Unis, Abbey Road à Londres et son studio en banlieue parisienne, ont été nécessaires pour composer sept heures de musique.

Dès son enfance niçoise, ce fils d’un gérant de société et d’une cheffe de cœur a grandi «dans un monde musical». «À cinq ans, je découvrais U2 et les Pink Floyd grâce à mon père, quand mes copains écoutaient des chansons françaises», se souvient-il. C’est aussi à cette époque qu’il se découvre une autre passion : les jeux vidéo. «Le jour où on m’a montré le Commodore 64 (NDLR : une console sortie en 1982) bouger un pixel, ça a été la révolution dans mon cerveau», confie le compositeur, qui apprend à programmer pour écrire de la musique avec la machine.

Ce qu’offre le jeu vidéo en termes de proposition artistique, c’est gigantesque!

Un baccalauréat scientifique en poche, Olivier Derivière enchaîne plusieurs cursus «chaotiques» dans l’informatique et la musique, avant de s’envoler pour Boston, à la faveur d’une bourse pour étudier au Berklee College of Music. Il y fréquente l’Orchestre symphonique de Boston et se lie d’amitié avec John Williams, l’homme derrière les bandes originales mythiques de nombreux films de Steven Spielberg ou de la saga Star Wars, qui devient rapidement son «modèle» et lui enseigne la patience. De retour en France au début des années 2000, il se lance alors dans la musique de jeu avec Obscure (2004), développé par un petit studio du nord de la France.

Depuis, il a œuvré sur plus d’une vingtaine de titres, essentiellement pour des studios français comme Asobo (A Plague Tale), Don’t Nod (Remember Me) ou encore Ubisoft (Assassin’s Creed). «J’ai commencé dans une toute petite pièce. Un ordinateur, deux enceintes et c’était tout!», rembobine Olivier Derivière avec un sourire, désormais courtisé par des studios internationaux. Dans son studio de 300 m2 qui emploie six personnes, cet amateur de batterie se faufile de cabines d’enregistrement en salles de montage pour suivre l’avancée de ses différents projets, dont certains encore gardés secrets, une paire de baguettes entre les doigts.

Il s’autorise tout de même quelques parties du jeu de tennis Top Spin, dans une pièce qui regorge de consoles, récentes comme anciennes. «J’ai toujours joué, je n’ai jamais arrêté!», rapporte le compositeur. Pour lui, réaliser une musique se divise en deux parties : créer d’abord une partition, et ensuite l’intégrer au jeu en fonction des interactions du joueur. Un travail d’adaptation normalement effectué par les concepteurs musicaux. «Moi, je fais les deux», explique-t-il. «Comme je joue aux jeux vidéo, je comprends ce langage et c’est un atout.»

Pour South of Midnight, il a ainsi porté une attention particulière aux actions effectuées par l’héroïne Hazel, illustrées à l’oreille par un chœur de jeunes filles, ainsi qu’à l’évolution des chansons liées aux immenses créatures qui peuplent son univers. «Si on compare au cinéma ou au théâtre, ce qu’offre le jeu vidéo en termes de proposition artistique, c’est gigantesque!», s’enthousiasme-t-il. Ce qui ne l’a pas empêché de faire un pas de côté en composant la musique du film de Gueules noires (2023) et celle d’un épisode de la série Star Wars : Visions.

Mais pas de quoi le détourner longtemps de «l’expérience unique»qu’offre le jeu vidéo. «Je pense qu’il faut s’émanciper de ces réflexes qu’on aurait de regarder le cinéma, le grand frère, en se disant : on va faire pareil», poursuit-il. «On doit apporter aux joueurs des expériences nouvelles.»