Le festival du Film subversif de Metz réanime les salles dès la semaine prochaine avec des ovnis alternatifs. Un plein de science-fiction dans un hommage sensible à un autre ancien rendez-vous messin, tout aussi fantasque.
Parfois, le hasard fait bien les choses. Comme lorsque Charlotte Wensierski, directrice du festival du Film subversif, lance un soir un documentaire étrange, «pas très bon» d’ailleurs : A Glitch in the Matrix, appellation ultra-référencée, rassemble les théories selon lesquelles on vivrait dans une réalité générée par un ordinateur. Mais l’objet s’ouvre surtout avec l’intervention de Philip K. Dick à l’hôtel de ville de Metz, en septembre 1977. L’homme est une star de la science-fiction – ses écrits, adaptés pour le grand écran, accoucheront de Blade Runner, Total Recall, Minority Report… – mais un orateur d’un genre particulier.
Ce jour-là, son discours mystique va vite décourager les curieux massés sur place. La salle se vide, et la légende se fait (son intervention est devenue depuis le «Metz speech»). «Je me suis dit “ça alors!”. J’étais soufflée!», commente l’intéressée qui, curieuse, plonge vite dans les archives pour se rappeler qu’il y a plus de quarante ans, le festival de Science-fiction (1976-86) attirait dans ses filets, à Metz, des écrivains branchés robots, voyage dans le temps et univers parallèles. Ni une ni deux, elle appelle son ancien directeur, Philippe Hupp. Entre eux, la connexion se fait naturellement et les «points communs» ne se comptent plus. D’où l’idée, cette année, de rendre hommage «humblement» à son prédécesseur.
C’est donc la «SF» qui donnera la couleur, dans une semaine, au festival du Film subversif, orientation d’autant plus rationnelle après une année et demie à vivre comme dans un mauvais scénario du genre, avec virus et isolement à la clé. Difficile, donc, dans ce contexte, de reproduire toute l’allégresse des années 70, époque où tout semblait plus simple. «Oui, je suis envieuse, explique dans un rire Charlotte Wensierski – née peu de temps après la dernière édition du festival de Science-fiction. Tout était plus facile, pour trouver des films comme des invités. Et l’ambiance était décontractée, chaleureuse.»
À l’église des Trinitaires, une sélection d’affiches et de photos célébrera ainsi un temps révolu, quand Star Wars n’était pas encore une franchise grossière et que l’on portait d’affreuses vestes en velours, avec col roulé et grosses lunettes épaisses. Pour le reste, c’est devant le grand écran que l’héritage sera fêté, avec une brochette de grands films, coups d’essai de réalisateurs devenus par la suite essentiels : The Amusement Park de George Romero (1973), Dark Star de John Carpenter (1974), Eraserhead de David Lynch (1977), THX 1138 de George Lucas (1978), sans oublier d’autres classiques du genre (Alien, Forbidden Planet, Le Labyrinthe de Pan). Même David Cronenberg est de la partie, de loin, représenté par son fils Brandon (Possesor).
Organiser un festival en temps de pandémie, c’est un véritable ascenseur émotionnel!
Les films en compétition
D’autres bizarreries, plus ou moins barrées, plus ou moins oniriques, complètent un programme qui trouve tout doucement sa forme finale. «Franchement, c’est terrible d’organiser un festival en temps de pandémie, commente Charlotte Wensierski. C’est un véritable ascenseur émotionnel!» D’ailleurs, à l’heure actuelle, il n’est pas certain que tous les invités puissent venir (notamment Lisa Rovner pour son documentaire qui fait l’ouverture, Sisters with Transistors, sur les pionnières de la musique électronique). Plutôt dommage pour un festival qui mise sur les rencontres et les échanges : «Faire quelque chose en ligne n’était pas une option. Les synergies sont importantes. On aime que les gens viennent en salle, qu’il se sentent aussi privilégiés de rencontrer l’équipe d’un film», comme cette année Pilar Revuelta, chef décoratrice de Guillermo del Toro (Le Labyrinthe de Pan, L’Échine du diable…).
Après une cinquième édition terrassée par la pandémie («près de 80% des films sont passés à la trappe»), le festival messin renouvelle même entièrement son menu. Déjà parce qu’il y de «tant de nouvelles choses qui sont sorties». Ensuite parce qu’après un an et demi dans l’obscurité, les films se pressent devant l’ouvreuse. «Face à un tel embouteillage où tout le monde joue des coudes, il est encore plus important de défendre des œuvres alternatives, qui peinent encore plus, aujourd’hui, pour être programmées.» Un «regard différent» qui s’affiche au-dessus d’un grand sourire, le festival bénéficiant des nouvelles mesures sanitaires en France, soit, dès le 9 juin, un couvre-feu qui passe à 23 h et des salles qui pourront être remplies à 65 %. «Il y a aura des masques et du gel!», lâche Charlotte Wensierski. Pas très subversif tout ça.
Grégory Cimatti
The Show / Mitch Jenkins
Un Lothario (NDLR : séducteur de Don Quichotte) trépassé, des beautés endormies, des gangsters vaudous, des aventuriers masqués, des détectives privés improbables et des femmes violentes tout en clair-obscur… Un film écrit par Alan Moore (V for Vendetta, Watchmen…).
Shiva Baby / Emma Seligman
Danielle est en terminale et entretient une relation sexuelle tarifée avec Max, un homme marié. Aujourd’hui, elle doit rejoindre ses parents névrosés afin de participer à une Shiva, un rituel juif qui est accompli après la mort d’un proche. Cette journée particulière prend une tournure inattendue lorsque Max fait son apparition avec sa femme et leur bébé…
Une vie démente / Ann Sirot & Raphaël Balboni
Trentenaires, Alex et Noémie voudraient avoir un enfant. Leurs plans sont chamboulés quand Suzanne, la charismatique mère d’Alex, perd les pédales. Comportements farfelus et dépenses absurdes, Suzanne, la maman, devient Suzanne… l’enfant. Drôle d’école de la parentalité pour Alex et Noémie.
Mosquito State / Filip Jan Rymsza
Août 2007. Richard Boca, un analyste de Wall Street qui réside seul dans un appartement luxueux, exploite sans relâche des données financières et commence à avoir des visions. Ses modélisations informatiques se comportent de manière désordonnée alors que des nuées de moustiques envahissent son penthouse. Ces manifestations étranges commencent à jouer sur sa santé mentale…
L’Indomptable feu du printemps / Lemohang Jeremiah Mosese
Mantoa, 80 ans, est la doyenne d’un petit village niché dans les montagnes du Lesotho. Lorsque la construction d’un barrage menace de submerger la vallée, Mantoa décide d’en défendre l’héritage spirituel et ravive l’esprit de résistance de sa communauté.
Festival du Film subversif de Metz
9-13 juin
https://subversif.fr
5 films en compétition
3 documentaires
1 ciné-concert (Dark Star)
1 masterclass avec Pilar Revuelta
(chef décoratrice de Guillermo del Toro)
1 concert (Requin Chagrin)
1 exposition