Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Créateur de mode star mondiale, l’Américain Tom Ford présente son deuxième film : Nocturnal Animals. Du cinéma inspiré ou de l’esthétisme pompeux ? À voir…
L’été dernier, à 55 ans, il a quitté Venise et sa Mostra avec un Lion d’argent. Le jury du festival italien récompensait ainsi son deuxième film, Nocturnal Animals –un thriller terriblement venimeux et furieusement stylé qui arrive cette semaine en salles.
Dans une autre vie, Tom Ford – né le 27 août 1961 à Austin, Texas, a été créateur de mode. Mieux : styliste connu et reconnu dans le monde entier. Star parmi les stars, provocateur juste ce qu’il faut – il posa nu pour illustrer une interview dans un quotidien britannique, il créa un pendentif en forme de phallus…
Et puis, le cinéma l’a attrapé ou, peut-être, a-t-il décidé de se lancer dans sa première passion qu’est le 7 e Art. Ainsi, en 2009, il a réalisé son premier long métrage, A Single Man , avec Colin Firth et Julianne Moore. Et cette année, il revient donc avec Nocturnal Animals . Les professionnels et autres critiques ont accueilli le nouveau film de l’Américain très diversement. Au hasard, on peut lire des contre : «Ford enfonce les portes ouvertes», «le glacis sophistiqué de l’image», «un film assez emberlificoté»… et des pour : « Nocturnal Animals sidère par la beauté de ses images», «un film visuellement captivant»… bref.
Nocturnal Animals , c’est une adaptation (très) libre de Tony and Susan , un roman d’Austin Wright paru en 1993. Tom Ford a actualisé l’époque, modifié les lieux, transposé la langue très littéraire en idées de mise en scène. Explications du réalisateur : « Le monologue interne de Susan ne pouvait pas s’exprimer avec des mots, il a fallu mettre en scène des moments de sa vie qui ne s’exprimeraient qu’à travers la violence de sa vision du roman de son ex-mari. Il était hors de question de mettre une voix off tout au long du film… »
Donc, on se retrouve avec Susan Morrow, galeriste d’art à Los Angeles. Matériellement, elle n’a pas de difficultés, mais problème, Hutton son mari richissime la délaisse. Une nouvelle fois, il part en «voyage d’affaires», elle reçoit un colis inattendu : un manuscrit signé de son ex-mari Edward Sheffield dont elle est sans nouvelles depuis des années. Une note l’accompagne, enjoignant la jeune femme à le lire puis à le contacter lors de son passage en ville. Seule dans sa maison vide, elle entame la lecture de l’œuvre qui lui est dédicacée.
Une fable essentiellement visuelle
Deuxième acte : dans le roman, Edwards devient Tony Hastings, un père de famille aux prises avec un gang de voleurs de voiture ultraviolents, mené par l’imprévisible Ray Marcus. Il se retrouve au commissariat, y est pris en charge par l’officier Bobby Andes avec qui il sympathise. Les deux hommes se lancent à la poursuite des membres du gang…
Susan est troublée par l’écriture et l’histoire de son ex-mari… Un film, deux lieux (qu’il connaît bien) : le Texas où il a grandi et Los Angeles où il habite épisodiquement… Mais surtout, pour Tom Ford en styliste de la froide élégance, Nocturnal Animals constitue avant tout une expérience visuelle et un film follement esthétique – c’est, à ses yeux, la seule façon de servir et enrichir la psychologie de ses personnages. Alors, il confie : « Le long métrage est un exercice résolument visuel, et je pense que les mots et les dialogues ne devraient servir qu’à faire évoluer une fable essentiellement visuelle. »
Ainsi, le réalisateur met à l’écran de longues scènes avec une conversation qu’il veut «intéressante» et qu’il entoure «de silence, comme un écrin, afin qu’elles puissent briller». Alors, surgit la question : cinéaste inspiré ou esthète pompeux, Tom Ford?
Serge Bressan
Nocturnal Animals , de Tom Ford (États-Unis, 1h57) avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon…
