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No Metal in This Battle : «On est plus afro qu’on le croyait !»


No Metal in This Battle est un groupe rare au pays, car jouant de l’audacieuse combinaison entre post-rock entêtant et afrobeat bondissant. Après deux EP en 2012 et 2015, le quatuor signe son premier grand format, Paprika, plus suave et «groovy».

Ils vont jouer vendredi «dans leur maison», celle qui les a toujours «soutenus». C’est en effet du côté des Rotondes que la trace de No Metal in This Battle est la plus perceptible. Une étrange empreinte – un pied en Afrique, l’autre aux États-Unis – pour un aperçu à la fois planant (l’effet de la boucle post-rock) et dansant (celui du diabolique afrobeat). Un quatuor qui, sans un mot et sans leader charismatique, parle directement aux corps, comme envoûtés.

Paprika, premier LP du groupe célébré en cette fin de semaine, correspond bien à l’esprit de la bande. Un mélange qui convoque le fantôme de Fela Kuti et ceux, vaporeux, d’autres apôtres du rock millimétré et capiteux, Mogwai en tête. Laurent Panunzi (basse) et Gianni Trono (batterie), âmes rythmiques de No Metal in This Battle, évoquent, sans leurs compères (Pierre Bianchi et Marius Remackel), la philosophie d’un collectif qui avance où la musique le porte, pourvu que ça pulse…

On a eu le chien (The Husky Tape, 2012) et le grizzly (Ours, 2015). Et maintenant Paprika. Vous en avez marre des animaux?

Gianni Trono : (Il rigole) Oui, on passe maintenant aux épices.
Laurent Panunzi : Normal, c’est un album bien légumier! À écouter sur les marchés, donc…
G. T. : Et les délires avec les masques d’ours, c’était pour se cacher en tant que personne, et laisser parler la musique. C’est tout.
Il y a quand même un flamant rose sur la pochette de ce nouvel album…
L. P. : La mer, le sable, le parasol, l’atmosphère très « années 80 » à la Miami Vice… À mes yeux, ça résume bien l’ambiance du disque. Chaude à souhait!
G. T. : L’idée derrière ce nom, Paprika, c’est justement celle qui a été de rajouter quelque chose d’un peu épicé dans notre musique, du groove, du suave…

No Metal in This Battle serait-il en passe alors de devenir un groupe d’afrobeat?

L. P. : À la base, on est quand même plus post-rock, comme en témoigne le premier EP. Mais on évolue, tout en cherchant une identité, une signature. Il y a un peu de tout chez No Metal in This Battle. Dont cette épice « afrobeat »…
G. T. : Il y a toujours, chez nous, ces envolées un peu épiques, ces montées de guitares… À cela s’ajoute ce côté chaud d’Afrique.
L. P. : Qui s’intègre, d’ailleurs, de plus en plus dans notre son. Ça prend de l’ampleur, de la présence. On a, en nous, un côté tribal qui s’affirme…
G. T. : Finalement, on est plus afro qu’on le croyait!

Cet équilibre entre les deux genres, est-ce une bonne façon de ne pas avoir à choisir?

L. P. : Les deux nous plaisent. Pourquoi ne pas les marier?
G. T. : On ne veut pas être différent des autres, coûte que coûte. Tout cet alliage se fait naturellement. On a toujours laissé libre cours à nos émotions et aux connexions qui se créent pendant que l’on joue.
L. P. : On pourrait tout aussi bien partir sur du punk, qui fait également partie de notre bibliothèque musicale.

Qu’est-ce qui est le plus important? L’énergie musicale?

L. P. : En premier lieu, il faut croire déjà à son projet. Avant que ça plaise aux autres, de le partager, il faut que ça nous parle. Et pour ce faire, il faut le ressentir, le vivre même.
G. T. : Oui, et cette énergie n’est que le reflet de cette envie.

C’est aussi comme cela que l’on parvient à faire de longs sets purement instrumentaux. Ça peut être rude pour le public…

G. T. : Tout est en effet une question d’émotion. Quand on vit quelque chose, qu’on s’y plonge corps et âme, on est dans la vérité. Et ça, le public le ressent immédiatement. Il n’y a pas un besoin impératif de mots pour apporter quelque chose.
L. P. : C’est vrai, la plupart des gens aiment le chant, qui donne un repère supplémentaire à un contenu musical. De notre côté, on préfère laisser parler la musique, et du coup, ça touche tout le monde, sans barrière de langue ou de style. Après nos concerts, on rencontre de tout, du jeune qui écoute du funk au vieux rockeur de 60 ans.
G. T. : Et on n’a aucune intention d’aller vers le mainstream, la facilité. Ça ne nous mènerait à rien…

En tout cas, en live, le public semble répondre à cette nécessité d’ouverture.

G. T. : Oui, et c’est tant mieux. Heureusement, même (il rit). Les gens arrivent à rentrer dans cette musique, bougent, se laissent transporter…
L. P. : Ça commence un peu froid et au fur et à mesure du set, le public se lâche. Et même les gamins dansent volontiers dessus!

Et pour vous aussi, sur scène, c’est crescendo?

L. P. : Pas du tout. On est à fond d’entrée. C’est quelque chose d’ordre psychologique. Pas le choix!
G. T. : Surtout qu’au fil des morceaux, la transe opère. On est dans notre truc, entre nous, à tout donner pour ce que l’on défend.

Et lors de vos sorties internationales (Espagne, Japon…), avez-vous ressenti la même réception?

G. T. : De manière générale, les retours sont toujours positifs.
L. P. : Pas sûr que ce serait identique si on chantait en luxembourgeois, par exemple…
G. T. : Au festival Primavera Sound (NDLR : à Barcelone), quand on y a joué, il y avait un groupe d’Afrique du Sud qui devait enchaîner après notre passage. D’un coup, leur chanteuse est montée sur scène et s’est mise à danser. Plus tard, on s’est revus et ils nous ont dit : « Vous faites de la musique de notre pays, et plutôt bien d’ailleurs. Bravo, les mecs. » C’est quand même chouette, non? Surtout pour des petits Blancs!

Vous parlez d’affiner votre identité musicale. Quelle direction peut-elle prendre? L’ajout de cuivres, par exemple?

L. P. : Tout à fait. On en parle régulièrement. On a même essayé, une fois, d’en incorporer dans nos chansons. Mais des musiciens qui acceptent un tel projet ne courent pas les rues, et au niveau logistique, ça compliquerait les choses. Mais oui, ce serait une belle prochaine étape.
G. T. : On ne sait jamais. Tout reste ouvert.
L. P. : Pour appuyer l’idée, dans Paprika, c’est son frère, Pino, qui joue des percussions dessus, et il sera là, sur scène, pour la release de vendredi. Preuve que les choses avancent…

Grégory Cimatti

Rotondes – Luxembourg.
Vendredi à partir de 21 h.
Support : Tvesla.