La construction d’un nouveau gratte-ciel s’achève sur les bords de l’East River: 764 appartements à louer, répartis sur deux hautes tours qui auront bientôt piscine et immense terrasse avec vue panoramique sur la rivière ou l’Empire State Building.
Presque banal pour Manhattan. Pourtant, ce complexe des « American Copper Buildings » a été conçu juste après l’ouragan Sandy d’octobre 2012, qui a fait plus de 40 morts à New York et paralysé le poumon financier de l’Amérique pendant des jours. Et son design s’en ressent, témoin de l’évolution du monde de l’immobilier new-yorkais face au changement climatique.
« Nous avons acheté le terrain juste après Sandy », explique Simon Koster, responsable de la compagnie immobilière JDS qui pilote le projet. « L’endroit avait été transformé en lac, on pouvait faire le tour du site en canoë. On savait très bien que ça recommencerait. Alors on s’est dit, +Comment peut-on s’assurer que ceux qui vivront ici ne seront pas confrontés à ce scénario?+ Et on a laissé les architectes cogiter ».
L’une des idées fortes, explique l’un des architectes, Gregg Pasquarelli, était de permettre aux résidents de tenir le plus longtemps possible sans électricité.
« Il faut juste penser stratégie et comment se préparer au mieux pour ces évènements », dit-il. « Si on est privé d’électricité, mais que vous pouvez prendre l’ascenseur, que les frigos marchent et que vous avez une prise électrique pour recharger votre portable, vous pouvez probablement survivre pendant une semaine ».
Résultat: pas de « penthouse » avec vue époustouflante au 48e et dernier étage, mais de puissants générateurs alimentés au gaz naturel, censés permettre à certains équipements clé de fonctionner en cas de panne générale d’électricité.
« C’est sur le plan immobilier la surface la plus précieuse du bâtiment », reconnaît M. Koster, sans chiffrer le manque à gagner. « Mais en y installant des millions de dollars d’équipement, on augmente la valeur de tous les autres appartements en-dessous ».
Dans chaque cuisine du complexe, où les logements se louent à partir de 3.000 dollars pour les studios, deux prises électriques, dont l’une réservée au frigo, sont reliées au circuit de secours alimenté par les générateurs. De quoi recharger son portable pendant toute la durée de la panne.
Traditionnellement relégués au sous-sol, les équipements de chauffage, de ventilation et la grosse machinerie électrique du complexe ont été installés au premier étage, à plus de sept mètres au-dessus de la rue, là encore pour limiter les risques d’inondation.
Enfin, le hall d’entrée est austère, avec piliers en acier et au sol, un carrelage prévu pour l’extérieur. Il y a du bois sur les murs pour réchauffer l’ambiance, mais sous forme de panneaux latéraux ouverts, pour pouvoir sécher facilement.
Sans doute en raison des intérêts financiers qui y sont concentrés, New York « a embrassé plus que d’autres villes » une architecture plus résiliente, estime Alex Wilson, président du Resilient Design Institute et spécialiste de ces questions.
Electricité, accès à l’eau potable – avec des robinets accessibles à tous désormais obligatoires aux étages inférieurs -, ou maintien d’une température raisonnable dans les bâtiments sont les principales questions qui se posent pour les architectes, explique-t-il.
Entourée d’eau, New York pour l’instant « se concentre sur la résistance aux inondations ». Mais en cas de tempête avec panne d’électricité en été, « beaucoup d’immeubles résidentiels, où le verre est très présent, deviendraient inhabitables », dit-il.
Plus généralement, si les Copper Buildings ont intégré l’éventualité d’inondations dès la conception, les obstacles – et les coûts – sont plus importants pour adapter les bâtiments existants, dit-il, même si la ville de New York est en train d’identifier les plus vulnérables pour accélérer les travaux.
Un autre obstacle pourrait être politique: climato-sceptique, le président Donald Trump prévoit de couper le budget des agences environnementales.
« Si le gouvernement arrête de collecter des données sur les vulnérabilités face aux inondations ou aux vagues de chaleur, les architectes et les promoteurs immobiliers vont avoir plus de mal à incorporer ces changements dans leurs projets », estime M. Wilson.
« Mais je suis optimiste, cet écart par rapport à la science n’est que temporaire », dit-il. « Le secteur privé, les assurances sont de plus en plus conscients de tout ça et continueront à pousser pour des bâtiments plus résistants ».
Le Quotidien / AFP