Lumières flashy et lasers sont la norme de nos jours dans la plupart des concerts, mais à New York un promoteur essaie un nouvel effet pour ramener la musique au premier plan: l’obscurité.
Lors d’une expérience vendredi soir, plus de 300 fans de musique électronique ont dû ranger leur téléphone portable pour aller savourer un « set » dans une salle obscure, histoire de recalibrer leurs sens uniquement sur la musique.
Une faible lumière a persisté durant la première heure pour habituer le public, avant une extinction presque complète, à l’exception d’une toute petite lampe sur la scène, où le DJ Eprom était à l’œuvre.
« Nous voulons que les gens soient moins distraits par les objets brillants autour d’eux, et plus concentrés sur le vrai produit. Un concert, c’est tout pour la musique », a expliqué Jay Rogovin, responsable de l’agence Good Looks Collective entertainment, qui avait organisé ce premier show sans lumières.
Pour tenter d’exacerber encore davantage les sens des participants, ce spectacle « LightsOut » a fait flasher des lumières stroboscopiques rouges à plusieurs moments pour rappeler à la foule qu’elle était dans le noir.
Une ambiance qui a semblé faire tomber les inhibitions, beaucoup de danseurs s’abandonnant à des chorégraphies désordonnées qu’ils n’auraient probablement pas tentées en temps normal.
Mais le concept du zéro distraction est décidément difficile à faire passer de nos jours, une personne au moins ayant réussi à rentrer avec son smartphone. Elle a passé sa soirée en envoyer des messages à ses amis, comme c’est souvent la norme dans les soirées « allumées » normales.
Les fans avaient pourtant été invités à déposer leur téléphone portable dans des petits sacs spéciaux en entrant. Ils pouvaient garder l’appareil, mais qui devait rester enfermé dans le sachet scellé jusqu’à la sortie, où des agents leur ouvraient les sacs grâce à une technologie particulière.
Mais malgré le thème de la soirée, la salle n’était pas complètement plongée dans le noir: outre les panneaux montrant les sorties de secours, qui doivent rester allumés en permanence, quelques rais de lumière filtraient du hall d’entrée ou des toilettes, et les barmen avaient aussi quelques petites lampes et bougies allumées derrière le comptoir.
Les promoteurs notaient que ces sources de lumière minimales étaient nécessaires pour des raisons de sécurité, afin d’éviter que les danseurs ne se percutent en dansant par exemple.
Les chanteurs pop ont depuis longtemps perfectionné leurs effets et chorégraphies sur scène, mais l’avènement de la musique électronique dans les années 1970 a fait naître diverses idées sur les visuels que les artistes voulaient rendre durant leurs performances.
Le Français Jean-Michel Jarre, pionnier de la musique électronique, avait trouvé une forme complémentaire d’expression à travers des jeux de lumière très élaborés, à l’opposé des Allemands de Kraftwerk ou de Tangerine Dream qui mettaient en avant une ambiance plus froide, une présence sur scène robotique étant plus appropriée à leur musique créée par ordinateur.
Mais la musique électronique a beaucoup gagné en popularité ces dernières années, avec de nombreux festivals estivaux, et les mises en scène passent maintenant presque toujours par des jeux de lumière qui ont peu à voir avec la musique.
Des concerts dans le noir ont aussi vu le jour, si l’on peut dire, en Grande-Bretagne où l’an dernier le Blackout show a proposé de la musique expérimentale sans lumière.
Outre les concerts, des dîners dans le noir sont aussi à la mode depuis plusieurs années, notamment avec la chaîne de restaurants français « Dans Le Noir », qui sert à Paris, Londres ou Barcelone des plats dans l’obscurité pour que les clients ne se concentrent que sur le goût.
Jay Rogovin aimerait quant à lui d’autres concerts dans le noir à New York, même s’il avoue douter de pouvoir organiser de tels événements pour plus de 600 personnes en raison d’obstacles logistiques et de sécurité.
Il espère en tout cas que les performances LightsOut vont être considérées plus matures que d’autres fêtes un peu plus kitsch à New York, comme des rave party axées sur les jeux vidéos par exemple.
« On essaie vraiment que les gens vivent une expérience et réfléchissent davantage, plutôt qu’ils aient juste l’impression d’être dans une rave party », conclut-il.
Le Quotidien / AFP